GIRLS IN HAWAI 2

#3 CHRONIQUE DE PAULINE – GIRLS IN HAWAII, au Krakatoa le 30 novembre 2013

les-girls-in-hawaiiPour être tout à fait franche, la seule chose que je connaissais de Girls in Hawaii était « Not dead » le titre phare de leur dernier album Everest, sorti il y a quelques mois, et dont le refrain monopolise littéralement les ondes du Mouv’. En l’ayant souvent entendu mais jamais vraiment écouté, je pensais que le groupe était sympathique, plutôt agréable, mais qu’il ne cassait pas trois pattes à un canard. Quand une copine m’a proposé d’aller faire un tour du coté du Krakatoa le samedi 30 novembre, la curiosité m’a envahie et je n’ai pas pu refuser! Entre temps, on m’avait proposé d’interviewer les Girls (l’interview ne sera finalement jamais menée). Je m’étais donc attelée à la tâche avec beaucoup de sérieux : j’avais récolté la moindre information sur le sextet, avait visionné concerts live et interviews pour me faire une petite idée de ce à quoi j’allais devoir me frotter. En réalité c’est en me plongeant dans l’œuvre de ces six Belges, en écoutant véritablement leur musique que j’ai compris leur démarche. Ce dernier album, sombre mais à la fois plein d’espoir et d’une richesse à vous couper le souffle, s’inscrit dans un contexte très intime: celui du décès abrupte du batteur et frère d’Antoine (l’un des deux chanteurs principaux), Denis. Quand vint le 30, je possédais donc toutes les armes pour recevoir ce que le groupe allait nous balancer en pleine figure durant tout le concert.

Le hall d’entrée du Krakatoa annonçait la couleur dès notre arrivée : les gens se pressaient au bar, les discussions sur la soirée qui commençait allaient bon train, bref, l’ambiance était chaleureuse et surtout bonne enfant. La salle, elle, est à l’image de l’entrée, petite (bien qu’il y ait un étage avec des sièges; on y voit d’ailleurs la volonté du Krakatoa d’accueillir un public aussi hétéroclite que possible). Ce que j’aime avec cette salle, ce n’est, évidemment pas son acoustique, mais plutôt sa petite taille, la possibilité de créer une proximité entre les artistes et leurs publics. Les concerts y sont d’ailleurs toujours beaucoup plus intimistes que ceux auxquels on peut assister dans de plus grosses salles comme le Rocher. La première chose que je remarque est le peu d’espace entre les barrières de sécurité et la scène. Cela me réjouit, évidemment. Car pour un amateur de live l’existence de ces barrières est le signe d’une distance qui ne pourra jamais être réduite, entre la musique et lui même, entre l’artiste et son public. Ce qu’il recherche avant tout c’est le partage sans limite (et donc sans barrière) de celle-ci. Ce partage implique une proximité qui était bien présente ce soir là au Krakatoa!

Nous avons franchi les portes de la salle quand la première partie commençait son set. Le groupe qui jouait était V.O, eux aussi Belges et s’inscrivant dans une tradition également très indie/pop. Visiblement seules quelques personnes avaient pris la peine de venir écouter ce trio, car la salle paraissait presque grande au vu de l’espace inoccupé. Au bout de la deuxième chanson, j’avais compris le truc : en réalité, le groupe manquait cruellement d’énergie et leur détermination à ajouter des instruments de toutes sortes sur les compos m’a rapidement lassé. En réalité j’ai trouvé que le duo guitare, voix/ clavier mené par Boris Gronemberger (également batteur des Girls in Hawaii) et Aurélie Muller fonctionnait plutôt bien, on aurait presque pu y déceler une pointe de blues. Le troisième musicien sur scène, lui, ne m’a pas convaincu. Sa présence était, il faut le dire, à peine remarquable. Peut être leur musique gagnerait-elle en cohérence, en énergie et surtout en simplicité s’ils ne s’éparpillaient pas en ajouts de sonorités inutiles et si leur formation venait à se simplifier. Cependant, bien que leur prestation ne m’aie pas convaincue (et au regard des faibles applaudissements je ne pense pas avoir était la seule dans ce cas là) il faut reconnaître la qualité de leur travail. Comme vous avez pu le comprendre, je n’étais pas mécontente quand la première partie  eu fini sa prestation. Je n’avais qu’une seule envie, voir (enfin) ce qu’allaient bien pouvoir nous présenter les Girls.

girls-in-hawaii-3En moins de dix petites minutes, le public avait doublé de volume et les gradins du haut furent littéralement pris d’assaut. Les Girls ne nous ont pas fait patienter bien longtemps avant de monter sur scène et ont entamé directement leur première chanson. Quelques têtes se balançaient dans la foule mais rien de plus. J’étais alors persuadée que l’ambiance serait, encore une fois très froide. Mais pour mon plus grand bonheur, dès leur deuxième chanson, le fameux « not dead », le public s’est dérouillé et les applaudissements déchaînés. Dès les premières notes de cette chanson, l’arrière plan de la scène prit l’image d’une montagne, symbole de l’épreuve qu’ont dû surmonter les Girls pour se relever de ce drame humain. Eclairé par de petites lumières jaunes, le symbole n’est plus seulement tragique, il est avant tout le signe de l’espoir qui renait. Ils sont fiers d’exhiber leur victoire, et de nous présenter ce qu’ils ont fait de leur douleur : cette sorte d’album cathartique et salvateur, un petit bijoux musical. Pour notre plus grand plaisir c’est en majorité des titres tirés de celui-ci que le groupe nous présentera ce soir là.
Le temps s’est arrêté dans cette petite salle du Krakatoa, le samedi 30 novembre, lorsque Antoine nous annonça avec beaucoup d’émotion la chanson qui est à mon sens la plus belle, la plus émouvante mais surtout la plus riche musicalement parlant de leur dernière album (voir même de leur travail dans sa globalité) : « Here I Belong ». Ce que j’ai apprécié c’est le fait qu’Antoine utilise non pas comme à l’accoutumée son micro, mais un téléphone en guise de filtre. Sa voix prit alors une tout autre tournure, elle possédait à présent tout le relief nécessaire à la cohérence de ce texte. Cette intro presque parlée, a réussi le pari de me hérisser les poils le long de la nuque, le Krakatoa était envouté, la magie opérait. La fin fut toute aussi magistrale et pleine en émotion lorsque Lionel et Antoine, les deux chanteurs principaux, nous demandèrent d’attendre les dernières notes avant d’applaudir. Le moment était visiblement aussi sacré pour eux que pour nous, un silence religieux pénétra la salle, mais les applaudissements et les sifflements se firent d’autant plus nombreux et enjoués lorsque la dernière corde de guitare résonna. C’est à partir de ce morceau qu’une réelle complicité fut instaurée entre les Girls et nous, public. La simplicité était le maître mot de cette soirée, la discussion s’engageait sans cesse entre le groupe et nous; on avait l’impression d’être entre potes. Rien que par le fait d’avoir pu participer à un tel niveau d’échange, cette soirée méritait d’être vécue.

les-girls-in-hawaii-concertPlus les titres se succédaient, plus les membres du groupe ainsi que le public se lâchaient. On a, par exemple, pu apercevoir à de nombreuses reprises François Gustin (guitare électrique/synthé) monter sur les amplis, tenter de chauffer le public, et jouer comme si c’était le dernier concert de sa vie! Daniel Offermann, n’était pas non plus en reste. Sous ses airs stoïques, le bassiste des Girls était lui aussi habité par la musique : à de nombreuse reprises il s’est approché du public, a adopté la fameuse position du pied sur la baffle et joué de ses plus beaux solos. Cependant, à mon sens, la révélation musicale est sûrement le batteur ,Boris Gronemberger, qui s’est montré bien meilleur que dans son groupe V.O. : ses coups de baguettes étaient incisifs, percutants mais surtout Boris était un parfait métronome. Son jeu se rapprochait sûrement plus de celui d’un batteur de rock que de celui d’un groupe indie/pop très mélodique à la Granddady.  J’ai eu l’impression pendant tout le concert qu’une sorte d’énergie contenue bouillonnait en chaque membre du groupe, qu’une sorte de rage, de folie complétement Rock’n’roll était sur le point d’exploser. Je me demandais simplement quand ceci arriverait.
C’est après avoir joué leurs titres phares comme « Misses », « Plan your escape », « Sun of the sons » que le groupe s’éclipsa pour être immédiatement rappelé par un tonnerre d’applaudissements, de cris, de sifflements. Les Girls avaient gardé le meilleur pour la fin : ils joueront en effet leurs meilleurs morceaux  et notamment leur hymne universel « Found in the Ground ».  Pour la dernière chanson, les lumières se sont tout d’un coup tamisées, la scène fut rapidement envahie par de la fumée rouge, et la batterie semblait résonner comme les tambours battant de The Kills. C’est à ce moment là que j’ai su que « la bête » allait sortir. Je ne me suis pas trompée car les premières notes douces et très mélodiques ont rapidement laissé la place aux phrasés hyper agressifs des guitares électriques et de la batterie, l’intensité contenue a alors explosé et on a assisté à un pur moment de Rock’n’roll. On aurait presque pu apercevoir des headbang (mouvement de tête caractéristique du stoner) dans la foule. La scène est alors devenu le lieu d’un chaos musical absolu, les Girls semblaient convulser, ils étaient en transe, se mélangeaient, sautaient partout, s’approchaient de la scène ou ne nous regardaient plus. « Flavor » marquera à coups sûr les esprits de toutes les personnes alors présentes. Ce dernier titre résumait parfaitement la soirée tout entière : intensité et efficacité. Rien que pour ce moment électrique, il fallait être là !

N’oubliez pas, la musique c’est bien, mais en live, c’est mieux !

 

Pauline LABORDE