JEANNE CHERHAL ITW

INTERVIEW MANUSCRITE #53 – JEANNE CHERHAL @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW DE JEANNE CHERHAL PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

Jeanne Cherhal n’est pas de celles qui se contentent de suivre une voie tracée. Après une tournée solo-piano en 2016 et la sortie récente d’un 6ème album, l’artiste se réinvente et reprend la route pour rencontrer son public fidèle. La Nantaise sera en concert le 23 janvier 2020 au Théâtre Fémina de Bordeaux. Avant d’arpenter les scènes de France, Jeanne a accepté de répondre aux questions de Diego pour Musiques En Live.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Votre dernier disque « L’an 40 » est sorti en septembre dernier, comment vivez-vous ce (presque) nouveau statut de quadragénaire ?
JEANNE CHERHAL  : J’ai eu envie d’écrire sur ce sujet car j’ai eu 40 ans en 2018 et j’y suis entrée avec bonheur. C’est un âge très équilibrant et j’ai le sentiment d’être plus heureuse à 40 ans qu’à 25 ou 30! Je suis plus libre, plus près de moi et cela permet de réaliser les choses qu’on a réellement envie de faire.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : A 40 ans on a fait la moitié (supposée) de sa vie ou c’est le moment de tout vivre pleinement ?
JEANNE CHERHAL  : De manière générale j’ai du mal à me projeter, il est donc difficile de se prononcer sur la distance parcourue. En tous les cas, à cet âge on connait ses préférences, ses ambitions et ses valeurs. Comme vous le dites, il faut vivre pleinement cette période en toute conscience.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : 5 ans entre vos deux derniers disques, cela parait une éternité ?
JEANNE CHERHAL  : Oui. Lors des productions précédentes, les sorties étaient rapprochées mais je publie un album uniquement lorsque cela vaut le coup. Ma maison de disque est compréhensive et ne presse pas les artistes. « L’an 40 » est sorti lorsque j’ai senti qu’il était abouti et que je ne pouvais faire mieux.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Pour parler du contenu de ce disque, il contient un hommage à votre fils né récemment ?
JEANNE CHERHAL  : La chanson s’appelle « César » qui n’est pas son prénom mais un clin d’oeil à la césarienne que j’ai subie lors de l’accouchement. J’avais envie d’en parler car outre le bouleversement d’un enfant qui entre dans votre vie, une césarienne pour une femme est une expérience. Sans chercher à parler de sujets abordés par d’autres artistes, la césarienne peut être plus ou moins bien vécue par la femme concernée. Beaucoup de femmes ont été sensibles au texte de cette chanson. Le sujet est loin d’être tabou.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Une chanson comme « Fleur De Peau » qui à une consonance triste est-elle un constat sur la vie ?
JEANNE CHERHAL  : En quelque sorte, c’est un titre dans lequel je voulais me poser en temps qu’observatrice. Comme tous les Français, j’aime râler et voudrais arrêter… d’ailleurs c’est une de mes résolutions pour 2020! Je suis privilégiée car j’exerce un métier qui est d’abord une passion et il est toujours difficile de se plaindre dans ce type de situation. Je voulais écrire une chanson sur le sujet.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Dans le même esprit, « Fausse Parisienne » exprime le regret pour une Nantaise de vivre à Paris ?
JEANNE CHERHAL  : Ce n’est pas un regret car j’adore ma ville. Disons que je ressens une attirance/répulsion pour Paris. Les loyers deviennent indécents et la pollution s’accroit. Par contre je ne me lasse pas d’arpenter les rues entre la place de la Concorde et la maison de la radio… je suis toujours émerveillée.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : « City Of Lights » comme dirait U2! La plus belle ville du monde…
JEANNE CHERHAL  : Oui c’est a peu près de cet ordre! Parfois j’en ai vraiment ras le bol mais depuis 20 ans que j’y vis, je me sens presque Parisienne mais pas tout à fait! (rires)
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Egalement dans ce dernier album, un titre qu’on ne peut pas louper, « 69 ». Une chanson sensuelle dont vous expliquerez peut-être la genèse sur scène ? (rires)
JEANNE CHERHAL  : Non! Cela ne s’explique pas… il n’y a pas d’explications de texte derrière mes chansons. Certes le sujet parait cru mais l’écriture est romancée et chaque spectateur y prendra ce qu’il veut.
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DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Une nouveauté dans votre répertoire est la touche gospel de ce disque. Comment est venue l’idée ?
JEANNE CHERHAL  : Ce sont les chansons qui commandent! Le gospel apporte une chaleur et une spiritualité, je n’aurais pas imaginé le titre « Un Adieu » qui clôt mon dernier album sans les voix gospels. Sans être religieux, c’est une célébration. Nous l’avons enregistré avec 8 chœurs qui ne sont pas Francophones et j’aime l’idée d’entendre cet accent dans la chorale.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Ils seront présents avec vous sur scène ?
JEANNE CHERHAL  : Non. Le disque est très arrangé avec des choeurs et des cuivres. Avec mes musiciens, nous avons adapté les chansons pour les interpréter différemment. L’expérience fut très intéressante notamment avec deux pianos.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Vous concernant vous préférez les tournées solo-piano comme en 2016 ou jouer avec un groupe ?
JEANNE CHERHAL  : C’est complètement différent mais si je devais choisir, c’est le solo. Et ce qui peut-être contradictoire c’est qu’au bout d’un moment c’est usant d’être seule… ce qui est génial dans notre métier c’est qu’on peut alterner les deux!
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : On communique avec le public aussi facilement avec un piano qu’avec une guitare ?
JEANNE CHERHAL  : Je ne me pose pas cette question car j’ai le sentiment d’être complètement connectée aux gens lorsque je suis derrière mon piano. C’est un engagement physique, mon jeu de piano n’est pas académique. On est loin du classique et je joue comme je le sens, il faut que cela vive et vibre dans la salle!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Véronique Sanson et Jacques Higelin sont-ils vos mentors ?
JEANNE CHERHAL  : Oui certainement! Higelin je le considère comme mon parrain de chanson. Concernant Véronique Sanson, j’ai passé énormément de temps à apprendre son premier album (« Amoureuse » de 1972) que j’ai joué en intégralité pour un spectacle en 2012. Pendant 6 mois j’ai interprété tous les jours ses chansons, c’était génial.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : J’imagine le boulot en amont! Pourquoi ne pas renouveler l’expérience avec un album d’Higelin ?
JEANNE CHERHAL  : Je n’y ai pas pensé et le jeu de piano d’Higelin m’est assez familier, c’est donc une bonne idée! Je l’écoute depuis que je suis enfant et son groove est une évidence pour moi dans lequel je me reconnais avec humilité…

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Y’a t’il des rencontres musicales que vous n’avez pas faites et qui vous manquent ?
JEANNE CHERHAL  : Certainement et cette question est toujours difficile. En fait je marche plutôt à l’instinctif et toutes les collaborations que j’ai pu faire étaient imprévues. La spontanéité et la surprise provoquent souvent de belles rencontres.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : L’imprévu fait que l’instant sera particulier ?
JEANNE CHERHAL  : Totalement! L’imprévu puis la force de la rencontre. Cela ne m’est arrivé qu’une fois de vouloir absolument travailler avec quelqu’un pour une chanson : Jacques Higelin sur « Je Voudrais Dormir » dans l’album « 12 fois par an ». Pour moi c’était une évidence, lui ou personne! Sans Higelin cette chanson ne serait pas sortie.
Par exemple, avec Benjamin Biolay c’était le hasard dans la magie d’une rencontre d’un soir. Idem pour le pianiste Libanais Bachar Mar-Khalife avec qui j’ai tourné en 2017 (« ARBA »). J’avais été éblouie en le voyant sur scène. L’instinct et la providence sont importants, comme la première impression.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Vous n’avez jamais rencontré ou vu Kate Bush ?
JEANNE CHERHAL  : Malheureusement non!
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DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Elle avait fait un retour fracassant en 2014 avec une série de concerts à Londres!
JEANNE CHERHAL  : Oui, 20 000 places vendues en 5 minutes… je n’ai jamais eu la chance de la voir. Kate Bush est un génie.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Dernière question, la chanson Française se porte t’elle bien en 2020 ?
JEANNE CHERHAL  : Oui je le pense. J’ai l’impression qu’elle est en perpétuel renouvellement. C’est galvanisant de voir qu’il y a toujours de nouveaux modes d’expression, la scène est très riche. Je pense à Aya Nakamura qui est très inventive.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Et nous avons beaucoup de très bons artistes qui viennent de l’ouest comme vous! De Nantes à Rennes en passant par Brest!
JEANNE CHERHAL  : Avant la trêve des confiseurs (noël), j’ai joué à Nantes et c’était d’une chaleur extraordinaire. C’est ma ville et c’est spécial. J’ai adoré.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Et le 23 janvier 2020, vous serez au Théâtre Fémina de Bordeaux pour présenter « L’an 40 », votre dernier album. Merci Jeanne pour votre disponibilité et meilleurs voeux 2020!
JEANNE CHERHAL  : J’aime beaucoup cette belle salle où j’ai joué il y a 10 ans. Impatiente de vous revoir à Bordeaux! Merci Diego, bonne année.

Remerciements : Annaïg HARNOIS d’ASTERIOS / Carole d’EUTERPE PROMOTION
Photos : Mathieu Zazzo & tatie_maude (sur profil Facebook de l’artiste)
Relecture : Jacky G.