ERIC SERRA ITW

INTERVIEW MANUSCRITE #49 – ERIC SERRA @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW D’ERIC SERRA PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

A 60 ans, on ne présente plus ERIC SERRA. Binôme musical de LUC BESSON, le compositeur Français a réalisé 25 bandes originales depuis le début des 80’s. Entre deux projets, il trouve le temps d’organiser une tournée ciné-concerts hexagonale afin de présenter au public le mythique GRAND BLEU dans une ambiance musicale live. Il a accepté de répondre aux questions de DIEGO lors d’un bref passage dans la capitale Girondine.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Merci ERIC SERRA d’accepter cette interview pour Musiques En Live, c’est un honneur de vous rencontrer pour parler du GRAND BLEU avant son adaptation en ciné-concert à Floirac. Pouvez-vous nous rappeler comment vous avez rencontré LUC BESSON ?
ERIC SERRA  : Oui mais tout d’abord j’aimerais en profiter pour saluer CHRISTIAN MALCURT qui est un ami Bordelais. Il est acousticien et a participé à l’élaboration de l’Arkéa Arena de Floirac en plus d’une bonne partie des zéniths Français! D’ailleurs mon studio et ceux de BESSON sont de lui! C’est le meilleur! Je suis donc heureux de prochainement jouer dans votre salle neuve.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Ayant 400 concerts au compteur et sans vouloir trop vanter les mérites de l’Arkéa Arena de Floirac, nous avons probablement la plus belle acoustique de France avec La Seine Musicale de Boulogne Billancourt!
ERIC SERRA  : Ah super! C’est vrai que La Seine Musicale où nous avons déjà joué LE GRAND BLEU a également une belle acoustique.
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Pour revenir à votre question, j’ai rencontré LUC BESSON dans un studio d’enregistrement dans lequel PIERRE JOLIVET travaillait. Je faisais des solos de guitare pour son album, j’avais 18 ans. Ils étaient potes et commençaient à écrire les premiers films de LUC. Nous nous sommes rencontrés comme ça. LUC a réalisé un clip pour PIERRE dans lequel j’avais un grand solo qui n’en finissait plus! Pour la vidéo, je dévalais une piscine olympique vide assis sur un ampli à roulettes… j’adorais et nous sommes devenus amis. Par la suite LUC m’a demandé d’écrire la musique de son premier court métrage, la suite vous la connaissez!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Quelques années plus tard : LE GRAND BLEU. Il y a un moment incroyable dans vos vies respectives, celui où vous partez sur un bateau avec LUC BESSON, JEAN RENO et CHRISTOPHE LAMBERT qui devait tenir le rôle de JACQUES MAYOL. Deux mois de vacances en repérage en Méditerranée ?
ERIC SERRA  : Sur ce bateau, LUC écrivait le scénario qui n’était que dans sa tête. Il repérait les lieux de tournage et les acteurs apprenaient à plonger en apnée. Je suivais les entrainements avec eux car j’avais été bouleversé par l’histoire de ce mec. LUC m’avait donné un documentaire sur JACQUES MAYOL et je voulais ressentir l’apnée. Il parlait du record à -105 mètres dans lequel la préparation et l’exploit étaient commentés par le plongeur lui-même. Cette vidéo m’avait bouleversé et ont été mes premiers contacts avec ce sport méconnu. J’avais trouvé le documentaire magnifique et je souhaitais ressentir les mêmes sensations. Nous avions été initié par MAYOL lui-même qui nous avait appris sa technique. Au bout de trois semaines, j’ai le souvenir d’avoir 2 minutes 30 d’apnée, ce qui est pas mal. J’arrivais à descendre à plus de 30 mètres. Tu ressens des émotions uniques qui n’ont aucune comparaison. C’est incroyable et violent dans le bon sens du terme. Effectivement CHRISTOPHE LAMBERT devait avoir le rôle car il était dans le casting d’origine imaginé par LUC BESSON.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : J’imagine que les moments « OFF » devaient être festifs…
ERIC SERRA  : Oui c’était assez sympathique… comme des copains qui partent en vacances d’été sur un bateau pendant deux mois aux frais de GAUMONT! Une partie des sites ont été gardés pour le tournage du film. Lors du voyage nous avions embarqué à Cannes puis direction la Corse, la Sardaigne, Sicile, Italie, Grèce et ses iles… un dur métier!!!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Vous avez assisté au tournage du film ?
ERIC SERRA  : Pas de A à Z. Je suis allé les rejoindre deux ou trois fois pendant le tournage. J’ai souvenir d’être allé sur la côte d’Azur dans le Lavandou et une autre fois à Amorgos en Grèce pour la scène du monastère.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Le Pérou peut-être ?
ERIC SERRA  : Non, pas le Pérou. J’ai fait une des scènes « soi-disant » au Pérou mais qui a été tournée à Tignes, celle ou JEAN MARC BARR est sous la glace après sa rencontre avec ROSANNA ARQUETTE.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : « Huacacrocha » dans la bande originale!
ERIC SERRA  : Oui complètement! En fait ces scènes ont été tournées à Tignes sauf l’arrivée en train au Pérou. Pour la neige, la glace et l’eau, c’est en France.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : D’ailleurs ce morceau musical est particulier, l’un de mes préférés. Il commence et finit par un saxophone et vous avez inclus des bruitages type industriels lorsque JEAN MARC arpente la glace à l’envers.
ERIC SERRA  : Oui c’est un moment super étrange. C’est ce que cela m’inspirait, un instant qui ne ressemble à aucun autre. On est dans le mystère, la froideur. Je ne suis pas conceptuel, beaucoup plus émotionnel et instinctif.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : D’ailleurs concernant la méthode de composition de la bande original, vous avez créé sur place ou en visionnant les images après le tournage ?
ERIC SERRA  : Après en visionnant les images. C’est ce que je ressens en voyant le film. Je travaille toujours sur les images. J’enregistre et cela prend une dimension différente.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : A cet effet il y a eu plusieurs éditions CD de la bande originale. Je me suis bien marré en achetant le volume 2 (qui apparaissait plus tard dans l’intégrale) et en découvrant la version « avec dialogues » de « Let Them Try ». C’était juste pour le délire, une blague entre vous ?
ERIC SERRA  : Effectivement ce n’était pas prévu mais le film ayant eu un tel succès, certaines répliques étaient devenues cultes! Je pense à « Roberto, mio palmo » et « Aiuto! » J’ai eu envie de faire un morceau fun avec ces phrases là sur un titre rythmé, « Let Them Try » était idéal!

iris599373056463089087DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Y’a t’il des morceaux qui ont été composés au saxophone ?
ERIC SERRA  : Non car je ne joue pas de saxophone. J’ai composé aux claviers pour la maquette. A la base, je suis guitariste et bassiste.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Connaissez-vous l’édition Américaine baptisée « THE BIG BLUE » sorti en DVD en 2000. Celle-ci comprend une piste sonore baptisée « Isolated Music Score » qui permet de regarder le film avec images sans les dialogues mais uniquement avec votre bande son ? Il m’arrive de la mettre à l’apéro lorsque j’ai des invités.
ERIC SERRA  : Non pas du tout! Qui a sorti ça ?
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : C’est un DVD zone 1 sorti il y a 20 ans en NTSC pour le marché Canadien!
ERIC SERRA  : Ça m’intéresse! C’est d’autant plus étonnant qu’aux USA la musique avait été changée. Je vous laisse mes coordonnées, il me faut les références!
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Pas de soucis, c’est un réel honneur de vous apprendre quelque chose sur la musique du GRAND BLEU!!!
ERIC SERRA  : Intriguant! Merci d’autant plus que GAUMONT pourrait ressortir certains films…

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Quel sentiment avez-vous lorsque des gens de ma génération (47 ans) viennent vous voir et vous disent : « LE GRAND BLEU a changé ma vie » ? Musique et film sont indissociables en pleines années SIDA.
ERIC SERRA  : Moi aussi il a changé ma vie! C’est touchant lorsque je croise des gens qui me le disent souvent avec les larmes aux yeux… c’est beau.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Ce film représente aussi la nature sans être écologique. Dans les 80’s, nous avons eu USHUAÏA et LE GRAND BLEU!
ERIC SERRA  : Oui le film contenait un côté un peu écolo sans vraiment l’être. Il n’en parle pas tout en présentant des images naturelles exceptionnelles.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Et pour vous quelle serait la plus belle facette du scénario qui mêle amour, nature, zénitude, plongée… ?
ERIC SERRA  : A l’époque je dirais le propos d’origine, a savoir JACQUES MAYOL. La passion est dans LE GRAND BLEU. Combinée à la volonté, c’est magnifique et cela dirige ma vie comme beaucoup d’artistes. Faire ce qu’on pense être bien sans écouter les autres. Ne pas dévier, rester intègre. C’est probablement la facette du scénario qui m’a plu et ce film dégage quelque chose de beau. Simple et agréable… j’en ai encore été touché en regardant le film pour préparer le ciné-concert. Pour le monter il fallait se replonger dans les petits détails et j’ai découvert qu’en fait le film était drôle!
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Carrément! JEAN RENO a un rôle parfois comique!
ERIC SERRA  : Y’a plein de moments cultes et lors des répétitions avec les musiciens pour le ciné-concert, il y a des instants où nous éclatons de rire à chaque fois! 3 fois par jour, on se marrait au même moment! Et puis sur l’épilogue, je trouve que LE GRAND BLEU laisse un bon goût… on ressort avec le sourire et une légèreté qui fait du bien.282162 468577453182206 1939871758 n
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Concernant le spectacle, c’est difficile d’adapter un film en ciné-concert ?
ERIC SERRA  : C’est une première pour moi. C’est complexe car initialement, j’ai composé la musique sans jamais penser qu’un jour je la jouerai en live. L’exercice n’existait pas et l’option n’était pas envisageable en 1988. J’étais bassiste et chef d’orchestre de JACQUES HIGELIN, l’énergie d’une scène devait être rock et LE GRAND BLEU était l’inverse de tout ça. On écoute LE GRAND BLEU au calme chez soi en étant zen… C’est comme si on me demandait de faire du yoga sur scène! Le jour où nous avons décidé d’adapter le ciné-concert, c’était compliqué car j’ai du réécrire toutes les partitions. Beaucoup d’instruments et de sons étaient programmés. Les percussions et rythmiques ont été réinventées car initialement c’était des sons électroniques. Concernant ce ciné-concert, nous avons disséqué le multi-piste afin d’attribuer tous les sons de la bande originale dans la version live. J’ai fait tout le film comme ça durant plusieurs semaines et ai compris qu’il me faudrait 7 musiciens au total. Mon but était de coller intégralement à la musique originale, les partitions n’existaient pas et j’ai du les recréer. Pour la synchronisation, j’ai programmé un clic sur toute la durée du film permettant un calage. Ce travail m’a pris environ 1 an à 3 personnes avant de commencer à répéter.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : D’ailleurs JULIEN CARTON, clavier des MATMATAH et des ENFOIRÉS fait parti du groupe ?

ERIC SERRA  : Oui, c’est SEBASTIEN CORTELLA qui est également aux ENFOIRÉS qui me l’a présenté. Nous nous connaissons depuis la fin des années 80 et il avait 16 ans. Il a été mon assistant, a joué sur mon album solo et m’a suivi en tournée. Il m’a proposé JULIEN lorsque j’ai eu besoin d’un deuxième clavier pour adapter LE GRAND BLEU. On ne se connaissait pas, j’adore ce mec.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Dernière question, s’il fallait retenir une seule qualité à JACQUES MAYOL ?
ERIC SERRA  : Difficile car je l’ai uniquement connu dans un cadre professionnel. J’ai côtoyé le plongeur et ne l’ai pas fréquenté durant des années. Par contre, toutes nos rencontres tournaient autour de l’apnée. C’était le meilleur et il était passionné. J’étais fasciné dès le premier contact par le documentaire dont je vous ai parlé en début d’entretien. Je voulais essayer et ressentir ces sensations. Cette spiritualité mélangée à l’exploit sportif sont incroyables.
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DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Vous êtes devenu plongeur ?
ERIC SERRA  : Oui je le suis devenu. Beaucoup d’apnées initiées par MAYOL à l’époque du GRAND BLEU puis des plongées bouteilles dès qu’on a commencé à s’entrainer lors des deux mois en mer avec LUC, JEAN et CHRISTOPHE.
Sans oublier que nous avons fait ATLANTIS avec LUC en 1991! C’était les vacances de rêves sur un yacht d’une trentaine de mètres acheté par GAUMONT pour le tournage. Pendant deux ans, il sillonnait toutes les mers du monde avec des plongeurs et caméramens professionnels que nous rejoignions de temps à autre.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Merci GAUMONT!
ERIC SERRA  : Oui, à cette époque nous avons plongé en bouteille sur des spots interdits aux clubs. Je suis descendu à 75 mètres!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Votre programme après les ciné-concert de mars 2020 ?
ERIC SERRA  : Je travaille sur un album perso démarré depuis plusieurs mois. C’est un mélange d’instrumentaux, de titres chantés par des guests ou moi-même. Le thème est l’espace et les astronautes. Le point de vue a un but écologique.
Parallèlement, j’ai un film qui s’appelle « LES SECRETS DU CHÊNE » dans le style MICROCOSMOS et qui sera dans l’esprit d’un documentaire sans dialogue. La musique y est donc primordiale.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : LUC BESSON a une actualité ?
ERIC SERRA  : Oui il vient de sortir une autobiographie qui s’appelle « Enfant Terrible » parue en octobre. Il me l’a envoyé, très bon bouquin!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Merci ERIC, on se retrouve le 25 mars 2020 à l’Arkea Arena de Floirac et en tournée dans toute la France pour LE GRAND BLEU en ciné-concert.
ERIC SERRA  : Merci à vous.

Remerciements : EUTERPE PROMOTION / BOX OFFICE / Emilie Tisserand / Antoine Bienne