
INTERVIEW MANUSCRITE #64 – MADEMOISELLE K @ DIEGO ON THE ROCKS @ CAROLYN
INTERVIEW DE MADEMOISELLE K PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS
Le groupe MADEMOISELLE K a sorti son premier album en 2006 et obtenu un large succès grâce au single « Ça Me Vexe ». La rencontre de Katerine Gierak avec Yvan Taïeb, devenu manager de l’artiste deux ans auparavant fut primordiale pour révéler la talentueuse chanteuse née en région Parisienne. Depuis, le groupe a édité 6 albums (dont 1 live) et tourné à plusieurs reprises dans l’hexagone en renouvelant régulièrement son style musical. Malgré un changement de musiciens durant ces 14 ans d’existence, Katerine a souhaité retrouver ceux qui avaient fait le succès du premier disque et offrir une tournée marquant la réédition en format vinyle. Elle a accepté de répondre aux questions de Diego lors du concert au Théâtre Barbey de Bordeaux sous le regard photographique de Carolyn Caro.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Katerine, je t’avais interviewée il y a deux ans alors que tu devais partir pour la Nouvelle-Calédonie. Comment s’est passé ton séjour dans le pacifique ?
KATERINE GIERAK : C’était super, nous sommes partis en Nouvelle Calédonie pour jouer au Black Woodstock Festival qui se passe sur la commune de Moindou, dans le sud de l’île. C’est dans les terres, un fort qui est nommé Teremba.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Je ne sais pas si tu te souviens mais nous avions parlé d’Ouvéa qui est une île qui m’a marqué. As-tu pu y aller ?
KATERINE GIERAK : Oui! « La passe au requins », je m’en souviens… c’était incroyable!

DIEGO*ON*THE*ROCKS : Le « bout du monde » à Lifou et le « Paradis d’Ouvéa », que de beaux souvenirs! Revenons à la musique, quelles ont été tes motivations pour engager cette tournée spéciale « Ça Me Vexe » ?
KATERINE GIERAK : A la demande de nombreux fans, je voulais sortir l’édition vinyle de l’album. Ce disque étant le plus important et fondateur de MADEMOISELLE K, je ne trouvais pas intéressant de le ressortir sans créer un évènement autour. J’y pensais depuis un an et demi, l’idée de la tournée est venue.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Comme un nouveau départ ?
KATERINE GIERAK : Ce qui est intéressant c’est de revisiter cet album. Les premières dates n’ont pas été faciles, je suis passée par plein de trucs étranges. Maintenant c’est bon j’ai « uploadé »! Ce disque appartenait à un passé datant de 14 ans même si « Ça Me Vexe », « Jalouse » et « Final » ont toujours été dans les playlists de mes concerts. Il a fallu revenir sur les autres titres et nous les maitrisons après quelques dates.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Cette tournée n’a rien d’anniversaire même si tu auras 40 ans en 2020 ?
KATERINE GIERAK : Non rien à voir. En plus ce n’est pas mon truc et tu ne me verras jamais sortir un best-of! J’aime pas. L’idée de départ est une sortie vinyle de l’album accompagnée d’une tournée pour fêter l’évènement. C’est réellement l’occasion de jouer l’album en entier car des titres comme « Reste Là » et « Plus Le Coeur à Çà » avaient été mis de côté. J’avais besoin de rock et ai souhaité raconter l’histoire de ce premier album en entier, en incluant les chansons plus calmes.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Il est joué dans l’ordre ?
KATERINE GIERAK : Non, on l’a fait mais nous avons changé la set-list.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Cet album comprend 12 titres, « Final » n’est-elle pas la chanson qui te colle le plus à la peau ? La plus représentative ?
KATERINE GIERAK : Oui elle a une connotation particulière car elle est longue et ressemble à un voyage. Après toutes mes chansons me représentent en tant qu’auteur-compositeur! J’aime profondément « Final » notamment dans l’instrumental. Je suis guitariste avant d’être chanteuse et toutes les pistes musicales ont été écrites indépendamment des autres. Instrument par instrument. Ce morceau est construit par couches successives dans lesquelles chacun fait sa partie.

Je me revois chez ma mère dans ma chambre avec ma guitare et ma pédale sampler BOSS RC-20 regardant le cèdre qui poussait derrière la fenêtre… je rêvais de jouer ce titre en fin de concert. J’avais écrit « Reste Là » et commençais mes premiers concerts en solo. Ces deux titres sont l’introduction et la conclusion, la boucle est bouclée. Outre les applaudissements, mon but était de savoir si les « gens reviendraient »…
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Ton public est fidèle, il te suit et revient régulièrement à tes concerts!
KATERINE GIERAK : Oui c’est clair. Ce qui est intéressant c’est de constater que certaines personnes sont restées sur mon premier album. Après, la majorité du public connait mes autres chansons, notamment celles de « Hungry Dirty Baby » ou de mon disque plus électro « Sous Les Brûlures, l’Incandescence Intacte ». En ce qui concerne cette tournée, il y a une notion de cohérence. J’ai une fan-base qui connait bien mon parcours musical. Après les concerts, on arrive même à débattre avec les fans sur les orientations musicales différentes de chacun de mes albums, de leurs couleurs respectives. « Ça Me Vexe » a une couleur particulière et le concert est en rapport avec ce disque. On est pas là pour défendre autre chose…
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Et tu retrouves ton groupe d’origine avec Peter, Pilou et David ?
KATERINE GIERAK : C’est ça! La dernière étape était de savoir si on reforme le groupe d’origine sachant que Peter a toujours continué avec moi. Nous nous étions séparés en très bons termes et ces spectacles 2020 sont définies pour un temps donné, pas pour la vie! Ils ont de suite dit « oui! » Même sans eux j’aurais fait cette tournée, par contre il fallait que batteur et bassiste soient ensemble. Je n’aurais pas pris Pilou sans David et inversement. La rythmique est importante.

Lorsqu’ils m’ont donnée leurs accords, j’étais très émue. Après tout, ils auraient pu tourner la page MADEMOISELLE K! Malgré les appréhensions de départ, c’est cool et cette tournée se passe bien.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Tu n’as jamais envisagé une tournée en duo, comme dans les shows-case ?
KATERINE GIERAK : Cela voudrait dire une tournée plus acoustique. Pour l’instant je ne suis pas prête. Si je le fais un jour, c’est qu’un de mes albums aura cette couleur. Même si j’ai régulièrement des morceaux en guitare-voix, je ne suis pas nécessairement prête pour un album folk. Pour la suite de ma carrière, la question se pose. J’ai quelques nouveaux morceaux et n’ai aucune idée sur la façon de les arranger… c’est la première fois que cela m’arrive. Le guitare-voix est très beau comme ça… peut-être que le prochain album sera fondamentalement différent. A ce jour j’ai quelques titres composés mais pas de quoi publier un album entier. Il y en a 3 ou 4 que j’aime beaucoup. Si j’estime que cela n’est pas bon, il n’y aura pas d’album. Je ne me presse pas, on verra dans un an, dans dix ans… je préfère que mes disques aient leur entité propre même si « Sous Les Brûlures… » est différent car le fil rouge de celui-ci est l’histoire, pas la musique.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Toi qui as connu les maisons de disque, Ulule et l’auto-production, me confirmes-tu que dans le milieu artistique « on est jamais mieux servi que par soi-même ? »
KATERINE GIERAK : Tout a été bien. Si je suis là aujourd’hui c’est grâce à une maison de disque qui a mis le paquet sur mon premier album! Je n’étais même pas considérée comme une « artiste » mais « listée » sur une filiale de EMI qui a travaillé avec nous, comme avec n’importe quel autre. Cette bonne étoile m’a permis de faire mes autres albums, je suis très contente de « Hungry Dirty Baby » sorti en indépendant. L’impact est différent mais le fait d’avoir été en maison de disque permet une continuité de carrière. L’important est d’être libre artistiquement. Kravache tourne avec mes albums et mon prochain devrait être auto-produit. Après si demain une maison de disque me propose un contrat cool, j’irai! Le premier album est toujours génial, les deux suivants beaucoup plus difficiles!

DIEGO*ON*THE*ROCKS : Surtout lorsque tu cartonnes dès le premier disque!
KATERINE GIERAK : C’est clair, toi tu te pointes avec un nouvel album en posant tes tripes sur la table et tout le monde s’en fout! On ne sait jamais quand ça va marcher… regarde RAPHAEL avec « Caravane » où les BB BRUNES avec leur premier disque, ils ont bien plus cartonné que moi! Moi j’ai fait 100 000 ventes, c’est super et il faut se dire que le meilleur est à venir.
Tu vois pour « Ça Me Vexe », je ne le réécrirais probablement pas aujourd’hui mais je suis fière du contenu et des arrangements. Nous l’avons beaucoup travaillé et j’aime énormément le son qu’il dégage. Il a bien vieilli. Pour en revenir à notre discussion sur les maisons de disques, mieux vaut travailler avec 3 personnes motivées qui te donnent de l’énergie qu’avec 10 qui s’en foutent! L’alignement des comètes fait ou ne fait pas le reste… lorsque l’impact doit avoir lieu, il se produit! J’adore « R U Swimming » de 2015 et peut-être que ce titre mettra 20 ans à percer!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : J’aime aussi « Someday » de la même époque! Probablement mon titre préféré avec « Final » sur toute ta discographie. Tu peux m’en parler ?
KATERINE GIERAK : Attention car le clip n’a rien à voir avec l’histoire! La chanson a été écrite à New York en Anglais, j’étais perdue. On venait de finir l’album « Jouer Dehors » et je me suis expatriée en 2012. J’avais besoin d’air. D’où la séparation avec Pilou et David, nous étions trop les uns sur les autres et cela ne nous correspondait pas. Un manque de spontanéité évident! Je suis allée dans une école de langue à New York et ai trouvé une basse genre vieille TELECASTER comme celles de STING, j’ai kiffé dessus! Un manche énorme, une basse hyper lourde. Un peu comme avec ma guitare FENDER JAZZMASTER sur laquelle je joue « Final », j’ai senti un trip instrumental immédiat. J’avais un studio dans Brooklyn et bossais sur LOGIC PRO X. J’ai créé les premières notes de « Someday » et me suis réveillée un jour avec les premières paroles… Eureka! Après un mois et demi à New York, je pense en Anglais!
Je suis allée dans cette école car je voulais perfectionner mon Anglais. L’idée d’écrire en Anglais était présente sans la certitude d’y arriver. Il fallait que cela fasse partie de mon quotidien. A cette époque, j’avais également écrit un autre morceau qui parle de voisins et qui n’ai jamais sorti, tant mieux! 4 ans séparent « Jouer Dehors » en 2011 et « Hungry Dirty Baby » en 2015, je l’ai conçu comme un premier album. Il faut se laisser le temps. « Ça Me Vexe » a muri tranquillement en virant plein de chansons qui ne verront jamais le jour, c’est la même démarche pour l’album Anglais. Qui plus est sans maison de disque. EMI devait me reprendre à mon retour des USA mais ils ont été racheté par WARNER entre temps qui m’a fait comprendre qu’un album Anglais était une erreur vis à vis de mon public. J’ai été virée. Quelque part c’était génial car cela remet les compteurs à zéro et on recommence! Tout est possible, une bouffée d’air pleine d’énergie.
A mon retour, Colin est arrivé à la batterie. Avec Peter nous testions les prétendants sur « Ça Me Vexe » pour le groove et « Final » pour l’endurance.

DIEGO*ON*THE*ROCKS : Quelles sont tes plus belles rencontres musicales ?
KATERINE GIERAK : Justement Colin Russell, le batteur avec qui on a créé « Hungry Dirty Baby ». Une superbe rencontre musicale et humaine. Pour le reste je préfère citer les artistes avec lesquels j’ai fait du coaching récemment : CLARA YSÉ qui est sélectionnée par le chantier des Francofolies cette année, LUCIE ANTHUNES qui fait du vibraphone et est percussionniste, enfin IAN CAULFIELD qui est très bon. Je pense également à JULIA PERTUY qui fait quelques unes de mes premières parties. Elle se construit actuellement et promet une belle carrière.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : On se revoit quand pour le prochain album ? (rires)
KATERINE GIERAK : Je sais pas!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Merci Katerine, bon concert.
KATERINE GIERAK : Merci!
- Remerciements : Violaine Philippe / Fanny Mielnitchenko / Stephane Merlin
- Photos : Carolyn Caro
- Relecture : Florence R.