
INTERVIEW MANUSCRITE #26 – TOURE KUNDA @ DIEGO ON THE ROCKS @ CAROLYN
INTERVIEW TOURÉ KUNDA PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS
On ne présente plus les éléphants Sénégalais de TOURÉ KUNDA! A bientôt 70 ans, ISMAÏLA et SIXU TOURÉ ont sorti leur 18ème album en mai 2018 (« Lambi Golo ») et se produiront à plusieurs reprises sur le territoire Français courant 2019. Les ambassadeurs de la musique Africaine dans le monde ont accepté de répondre aux questions de DIEGO sous l’objectif de CAROLYN lors d’un concert à Eysines. Remerciements particuliers à STELLA, MUSIC ACTION PROD, SOULBEATS RECORDS et ASSANE NDOYE pour son accueil chaleureux.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : ISMAÏLA et SIXU, très sympa d’accepter les interviews, ce n’est pas le cas de tous les groupes qui ont « de la bouteille » et je vous en remercie infiniment!
TOURÉ KUNDA : Nous n’avons pas de la bouteille, nous n’avons que le verre! (NdA : à la main) Les autres n’ont rien à dire, c’est pour cela qu’ils refusent… (rires)
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Vous avez 40 ans de carrière, votre dernier album est sorti en 2018. Qu’est ce qui vous motive encore ?
TOURÉ KUNDA : C’est un besoin vital et profond. Nous revenons avec plaisir car nous nous sommes aperçus que nous avions encore des choses à dire et à faire.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Justement « Lambi Golo » votre dernier disque parle de quoi ?
TOURÉ KUNDA : C’est la « lutte » qui est un sport national au Sénégal. Le pays s’arrête car tout le monde suit cette activité.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : On parle bien du sport pas de la « lutte sociale » habituelle et activité nationale en France ?
TOURÉ KUNDA : Oui! Il faut regarder la lutte Sénégalaise qui se déroule dans des stades et des arènes prévues à cet effet. Des milliers de gens jouent et parient. Malheureusement, c’est devenu une activité pour se faire de l’argent ce qui nuit à la qualité du sport.
Lorsque nous étions enfants, notre père nous amenait voir ces séances de lutte. Nous rendons hommage à ces grands sportifs qui nous ramènent en enfance. Maintenant ce ne sont plus les mêmes vedettes mais la passion demeure. De plus en plus de gens pratiquent et parient. Les combats attirent du monde, il s’agit d’une lutte dite « à frappes ». Au Sénégal nous sommes en avance, le football et la lutte sont suivis même par les blancs qui viennent spécialement pour ça!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Vous chantez en Wolof, en Français et en Anglais. Cette mixité est importante ?
TOURÉ KUNDA : Oui. Ce sont les langues que nous côtoyons et utilisons régulièrement. De l’école à la rue, c’est une frontière qui relie les gens. Lorsqu’on parle plusieurs langues, on peut aller plus loin et se projeter internationalement.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : SANTANA, KIDUS, MANU DIBANGO et d’autres sont dans votre dernier album. Cela vous arrive de les croiser sur scène ?
TOURÉ KUNDA : Oui en festival cela arrive. A chaque fois il se passe quelque chose. D’ailleurs nous avons fait une tournée Européenne commune avec SANTANA après la sortie de son album « Supernatural » en 1999. C’était grandiose.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Dans le dernier album, votre chanson « Emma » de 1985 est revisitée par CARLOS SANTANA pour une superbe version ?
TOURÉ KUNDA : Oui superbe! La guitare de CARLOS est magique et au Sénégal nous adorons la salsa. Le mélange Afro-Méxicain ne fut que bénéfique.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : A ce sujet comment se porte la musique Africaine ?
TOURÉ KUNDA : Elle commence à se porter bien. Au Sénégal, beaucoup de gens jouent dans le but de suivre notre espace linguistique, au delà des frontières. La musique est une langue de communication. Nous composons, échangeons et développons dans le sens large du terme « musique ».
DIEGO*ON*THE*ROCKS : La musique est-elle religieuse ?
TOURÉ KUNDA : Parfois. C’est très important. Le Sénégal est un pays laïque très religieux. Toutes les religions sont représentées. Nous sommes un exemple de mixité.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Vous avez fait énormément de rencontres dans votre carrière mais il y en a deux sur lesquelles je souhaite revenir, hors collaborations musicales. FRANÇOIS MITTERAND ?
TOURÉ KUNDA : Ah tonton! Oui nous étions invités aux concerts les soirs de ses deux élections! C’était quelqu’un de généreux, très ouvert et bien implanté. Il aimait la culture et c’était ça tonton!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Il y a eu un tournant musical avec sa politique culturelle ?
TOURÉ KUNDA : Oui, la fête de la musique de JACQUES LANG et les radios libres. FRANÇOIS MITTERAND nous aimait naturellement! il nous cherchait! « Ils sont où les TOURÉ ? Ils jouent où ? » C’était un honneur pour nous d’être considéré par le président Français. Tous les ministres ont aimé TOURÉ KUNDA! Leurs belles épouses aussi… elles nous regardaient avec des yeux… on ne sait pas pourquoi! (rires)
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Autre rencontre : NELSON MANDELA en 1992 ?
TOURÉ KUNDA : A sa libération, MITTERAND a invité MANDELA et sa femme Winnie. Le président a dit : « Je veux les TOURÉ KUNDA! » comme relaté précédemment. Nous avons joué devant eux, à quelques mètres de DANIELLE, FRANÇOIS, NELSON et WINNIE. L’Afrique et le monde ont vu ces images.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Qui peut dire j’ai joué devant NELSON MANDELA et FRANÇOIS MITTERAND ?
TOURÉ KUNDA : Pas grand monde!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Vous êtes le lien entre la France Européenne de MITTERAND et l’Afrique du sud libre de NELSON MANDELA en faisant un détour par le Sénégal!
TOURÉ KUNDA : Oui c’est vrai. C’est un lien et une rencontre qui nous laissent penser que nous avons été blancs dans notre passé. (rires)
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Blanc ou noir cela change quelque chose ?
TOURÉ KUNDA : Oui ça change! L’esprit, le coeur et le corps ne sont pas exactement pareils.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Que manque t’il aux « éléphants » que vous êtes ?
TOURÉ KUNDA : On a pas encore marché sur les journalistes même bénévoles comme toi! Tu auras personne pour te défendre car cela ne se saura pas! (rires)
Et nous sommes persuadés que la photographe qui t’accompagne plaidra en notre faveur… (rires x2)
DIEGO*ON*THE*ROCKS : L’amitié Franco-Sénégalaise est-elle primordiale ?
TOURÉ KUNDA : Elle est très importante. Cela existe depuis toujours, nous étions à l’école primaire, les coopérants qui étaient là avec leurs familles sont devenus des amis. Nous nous sommes rapprochés de la France et de l’Europe. Ce sont des copains, des camarades. Nous sommes entrés à l’école Française et avons appris les mêmes règles de grammaire que toi! En Afrique de l’ouest et particulièrement au Sénégal, tu te crois en France. Ces relations séculaires sont profondes. Néanmoins nous pensons que le Sénégal aime plus la France que le contraire…
DIEGO*ON*THE*ROCKS : J’ai de nombreux amis qui connaissent votre pays et tous en sont enchantés! D’ailleurs vos tournées musicales dans l’hexagone parlent d’elles-mêmes!
TOURE KUNDA : Oui c’est vrai. C’est une générosité personnelle et réciproque. Par contre, les échanges commerciaux ne sont pas équitables. Autre soucis : beaucoup de gens meurent dans nos océans et les pays riches ne font pas grand chose.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Pas faux! Un message à passer à vos fans Français et Françaises ?
TOURE KUNDA : Oui, on les aime! Surtout les femmes. Les Français deviennent de bons danseurs et c’est bien! Nous souhaitons les rencontrer ou les revoir très vite.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Merci infiniment ISMAÏLA et SIXU!
TOURE KUNDA : Merci à toi DIEGO, on voit que tu es quelqu’un de bien.
Remerciements : ISMAÏLA et SIXU pour leur gentillesse incroyable. <3
Photos : CAROLYN