A 80 ans, Alain Souchon ne voulait plus se produire en concert. 13 albums en 50 ans de carrière, l’un des chanteurs les plus « ordinaires – populaires » de sa génération (avec Goldman) s’ennuie et son médecin lui conseille de remonter sur scène. Une tournée réclamée par son public depuis quelques années, c’est donc avec Pierre Souchon et Ours (qui avaient collaboré au dernier disque « Âme Fifty-fifties ») qu’Alain revient en forme pour relater sa vie musicale et offrir un best-of dans une ambiance acoustique.

L’année charnière pour la carrière du Franco-Suisse né à Casablanca est 1974 et sa rencontre avec Laurent Voulzy. L’un excelle en musique, l’autre dans les textes et cette collaboration va durer 5 décennies avec des tubes tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre. « Bidon » et « J’ai Dix Ans » sont les premiers hits d’une nouvelle chanson française orientée pop et accessible à tous. En 1977, « Rockollection » est un succès monumental (dont Souchon écrit le texte) et tous les albums qu’il publie contiennent des paroles qui entrent dans le cœur des auditeurs. Mélancolique, blagueur, fataliste mais toujours réaliste, il obtient une reconnaissance méritée dans le courant des années 80 avec les albums « Ultra Moderne Solitude » et « C’est Comme Vous Voulez ». L’apothéose musicale arrive en 1993 avec  « C’Est Déjà Çà » où Claudia Schiffer côtoie Paul-Loup Sulitzer pour l’une des rimes les plus célèbres de notre répertoire. La société de consommation en prend pour son grade et l’auditeur n’est pas dupe, même s’il est parfois pris pour un con !

Quant à eux, Pierre et Charles Souchon ont sorti séparément des albums et collaboré avec leur père à plusieurs reprises. Ainsi, Pierre a publié 2 disques solo et participé à (entre autres) « C’est Déjà Çà » et « La Vie Théodore » alors qu’Ours affiche 4 albums au compteur et un tube en duo avec Lily Allen, « 22 » datant de 2009. Les deux musiciens ont participé au volume 2 du « Soldat Rose » et l’idée de tourner en famille comme ont pu le faire les Chedid et Dutronc avant eux, est resplendissante.

 

 

 

Plusieurs longs panneaux blancs servant à projeter des images d’archives décorent la scène et ils entament leur set au piano avec « La P’tite Bill, Elle Est Malade ». Les fils dont Alain à la garde ce soir (dixit le chanteur) alternent guitare et piano alors que l’octogénaire assure principalement la voix, à de rares exceptions près. Les 1H45 de concert survolent l’intégralité de la carrière du chanteur avec de nombreux échanges entre père et fils permettant de rythmer le spectacle et dévoiler l’ambiance familiale. D’une chemise bleue très moche achetée dans une station service aux voyages scolaires des enfants en Angleterre en passant par « La Ballade de Jim » composée en bretagne et finie sur la Côte d’Azur, les Souchon se racontent et le public se marre. Comme l’enfant que l’on voit sauter sur la scène du Pin Galant avec un entrain enviable pour son âge, Alain régale l’assistance qui en profite. « Comédie » est un hommage à Jane Birkin et Laurent Voulzy apparaît en vidéo pour entamer « Karin Redinger », référence à la romance avec l’américaine qu’avait eu le guadeloupéen en 1979. Le chanteur ne manquera de raconter les coups de fil de son comparse aux États-Unis aux frais de la princesse…

 

 

La formule « dépouillée » des chansons interprétées en acoustique met en avant les formidables textes et je redécouvre « Et Si En Plus y’a Personne » comme une révélation. Dans la tourmente actuelle des conflits que nous vivons, Alain Souchon pose la bonne question avec simplicité et classe. Évidemment les tubes sont très applaudis, « Les Cadors », « Le Baiser », « Sous Les Jupes Des Filles », « Rame » et l’hilarant « Poulailler’s Song. Ours et Pierre interprètent à tour de rôle un titre de leurs répertoires respectifs avant qu’Alain ne s’assoit au synthétiseur en solo pour « Casablanca » dans une intimité religieuse. Le public est dans la poche depuis très longtemps et « L’Amour à La Machine » puis « Foule Sentimentale » annoncent le rappel. Un final en apothéose (« Quand j’serai KO ») et en chœurs sur « Allo Maman Bobo » permet aux vedettes du soir de rejoindre les loges avec le sentiment probable du travail (très) bien accompli. On en redemande, pour les retardataires ils seront au Théâtre Fémina de Bordeaux le 7 mars 2025 ! Personnellement je n’ai que deux regrets, d’avoir raté la tournée Souchon-Voulzy en 2014 et qu’ils n’aient pas interprété « La Vie Théodore » ce soir. Bravo et merci !

 

Report & Photo de couverture : Diego OnTheRocks