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DONNY MCCASLIN – ROCHER DE PALMER #LIVE REPORT @ FRANCK HERCENT

Donny Stardust

C’est la première fois que Donny McCaslin et ses musiciens venaient à Bordeaux. Pourtant le groupe a un palmarès pour le moins impressionnant dans la musique et la musique de films : récemment récipiendaires de 5 Grammy Awards pour leur collaboration au dernier album de David Bowie « Blackstar », Jason Linder au piano/claviers, Tim Lefevre à la basse surnommé le « musical linguist » et Mark Guiliana (juste époustoufflant ce soir en Live…) à la batterie et leader du groupe « Beat Music » qui a notamment accompagné la fine fleur du jazz que l’on a l’habitude de retrouver l’été au festival de Jazz In Marciac et sur les scènes des festivals internationaux.

DonnyMcCaslinPhoto2Donny McCaslin, lui, après avoir étudié au Berklee College of Music de Boston a rejoint l’enseignant et jazzman Gary Burton, considéré comme l’un des plus grands vibraphonistes de l’histoire du jazz, et a également collaboré, entre autres, avec Dave Douglas, Maria Schneider et donc en 2016 avec l’auteur de Ziggy Stardust et de son fameux riff électrisant sur l’accord de Ré que connait tout apprenti guitariste qui travaille son placement de l’auriculaire, le « pinky finger » comme disent les américains.

L’album présenté ce soir est la synthèse de plusieurs styles et s’intitule très poétiquement « Beyond now ». Le titre, à lui seul, que l’on pourrait traduire par « au delà de maintenant », pourrait résumer la définition du jazz… L’album est à la croisée du jazz, du rock, de la musique de film et de la musique électronique. Par électronique, je ne fais pas référence à la musique binaire diffusée partout, répétitive, mimétique, abrutissante voire aliénante de la « Bit Génération » (magnifique formule qui fit la une de Libération le 16 mars 2016) reflet d’une société « désenchantée », qui ne parle pas ou alors peu si ce n’est pour cabotiner virtuellement du bout du pouce dans la novlangue Orwellienne d’un vocabulaire indigent limité à quelques dizaines de caractères.

Non, à l’inverse, ce qui est fréquent dans le jazz, rappelons le succès planétaire d’Herbie Hancock avec Rockit (et son clip ironique et pourtant extrêmement novateur pour l’époque qui reçut pas moins de 5 MTV Vidéo music awards…), la technique électro est ici maîtrisée et dépassée pour ne servir qu’à créer des climats extrêmement féconds pour l’imaginaire. On passe par des ambiances ultramarines tout en douceur et plénitude à des ascensions vertigineuses provoquées par la rythmique, notamment Mark Guiliana impressionnant d’énergie et de virtuosité jubilatoire. Durant le concert, il y avaient des moments Coltraniens de la période d’ « Ascension » et d’ « Interstellar space » durant lesquels les musiciens (et les auditeurs) franchissent le mur du sons…

Donny McCaslin 1 c Jimmy King copyDerrière, les gars vous pousse’

Ils gardent la cadence

Pour franchir sans la frousse

Cette zone de résistance.

 

Ensuite, c’est l’explosion !

Mur du swing enfoncé…

Dérèglement des sons…

On peut se délasser…

 

On peut tranquillement

Maintenant dans la gamme

Jouer mélodiquement,

Et… de toute son âme.

Et c’est ça « le » Jazz : de la musique incarnée, charnelle, atomique, présente et en Live. Ici et maintenant. A mille lieux du mur virtuel qui se dresse entre les adeptes de « la petite poucette » pour reprendre le titre de l’excellent livre de Michel Serres. Il est peut-être là aussi le rôle à jouer du jazz et, de façon plus étendue, de l’art en général. Créer du lien – mais du vrai ! Créer des rencontres, des moments en utilisant la technologie (et toutes les techniques musicales) pour créer de la vie… Ici et maintenant. Au delà de maintenant…. Pour se reconnecter littéralement à l’Autre, qui est désormais à portée de clic.

Donny McCaslin credit photo Jimmy King 1Le groupe est reparti dans la forêt du monde et fera escale à Los Angeles, à Calgary, dans le Milwaukee, ou encore au mythique Village Vanguard de New-York. Donny McCaslin (très influencé par Sonny Rollins également), prolixe, y développera des phrases étoilées à pleins poumons qu’il sèmera au ciel. A nous de retrouver son chemin…en levant la tête par les nuits sans nuages ou… en poussant la porte d’une salle de concert !

Franck Hercent
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