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INTERVIEW #211 – MATMATAH @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW 211 : MATMATAH

Depuis le milieu des années 90, le groupe Matmatah est l’un des fers de lance du rock Français. Les sympathiques Bretons ont récemment publié un 6ème album studio qui prouve, une fois de plus, que leur talent est indéniable et leur succès mérité. Stan, Eric, Scholl, Julien et Léo ont accepté de rencontrer Diego pour Musiques En Live juste avant leur concert à Arkea Arena en décembre. Merci à Upton Park.

Diego : Exceptée la jauge, quelles différences entre la tournée de printemps (petites salles) et celle d’hiver (zénith, arena) ?

Stan : Nous sommes fatigués ! (rires)

Julien : Fatigués à cause des festivals d’été et des kilomètres !

Stan : Plus sérieusement, nos concerts se font par blocs de plusieurs dates après une petite pause. Le set a évolué afin d’ajouter de la fraicheur à nos compositions. Les jauges ne s’appréhendent pas de la même manière. En fait, je ne suis pas certain que ce soit les mêmes publics qui viennent nous voir. Les habitués sont en fosse proche de la scène et les autres viennent probablement par curiosité… depuis le temps qu’on en entend parler, on va les voir ! Cela ressemble plus à un spectacle, notamment lorsque tu as des places assises. Je suppose que nous sommes différents.

Julien : On joue plus grand. Dans les petites salles tu vois très bien les 15 premiers rangs, dans une grande salle ceux-ci sont dilués dans l’immensité. Le dosage des micros d’ambiance est différent, il nous permet d’entendre le public dans nos retours “ears” en plus des instruments.

Stan : Je pense qu’on joue plus “ample”.

Diego : Le succès peut-il être grisant ?

Stan : Probablement, nous recherchons une satisfaction à jouer devant les gens. Avec l’habitude, cela l’est peut-être de moins en moins mais cela doit rester exaltant.

Julien : Les endorphines sont au taquet que ce soit au bout de 2 dates ou de 60…

Stan : Dans tous les cas, notre travail n’est pas une activité “normale”… si cela le devient, ce serait problématique !

Eric : Nous restons conscients que certaines personnes économisent, attendent longtemps, viennent avec des amis et nous donnent plein de choses pendant le concert. C’est un cadeau qu’ils nous font. Cet échange est grisant comme un bon procédé. Malgré certains succès, il faut rester dans une normalité, que ce soit construire des chansons, les jouer, dire bonsoir puis au revoir. La pause entre 2008 et 2016 a permis d’embrasser une vie normale. L’entourage professionnel est resté le même avec des gens devenus importants, que ce soit en Renault Trafic sur les premières années ou en tour-bus actuellement.

Matmatha BDX 3

Diego : Comment les mots peu usités “Miscellanées” et “Bissextile” peuvent-ils se retrouver ensemble pour donner un titre d’album ?

Stan : Coup de bol ! “Les Miscellannées du professeur Schott” sont des bouquins du Britannique Ben Schott que tu peux poser dans tes toilettes et ouvrir à n’importe quelle page en finissant par apprendre un truc ! En Anglais, le terme “miscellaneaous” veut dire “divers” et ce disque est un agrégat de plusieurs choses initialement pas prévues pour finir ensemble, comme les miscellanées. Les genres musicaux étant différents, cela explique l’utilisation du mot. Bissextile c’est simplement parce que nous avons mis 4 ans à le concevoir. En fait c’est très simple !

Diego : Avec bissextile on pense à une régularité, tous les 4 ans !

Stan : J’ai été voir la signification et c’est un mot qui n’a pas de définition s’il n’est pas rattaché à “année”. On dit une année bissextile mais on emploie jamais le terme seul. Probablement un mot d’origine Romaine.

Eric : Ceci dit, ce n’est pas une promesse que nous publierons un album tous les 4 ans !

Stan : Ça fait un jeu de mots pourri et on aime bien…

Eric : Miscellanées de merde… (rires)

Stan : Miscellanées bonne santé ! (rires)

Diego : “Obscène Anthropocène” sont également des mots que j’utilise assez rarement !

Stan : Certes mais il y a un lien direct avec la chanson.

Diego : Evidemment. Point de départ du désastre écologique… on est dans l’esprit de la chanson “Nous Y Sommes” publiée en 2017 ?

Stan : Ce sont des chansons jumelles inspirées des discours et réflexions d’Aurélien Barrau, un astrophysicien et philosophe très impliqué dans ce sujet. Il parle de l’obscénité du consumérisme. La rime est très riche dans ce titre et on commence actuellement nos sets avec cette chanson.

Diego : Le titre “Erlenmeyer” qui dure 19 minutes est une façon de marquer votre indépendance vis à vis de l’industrie musicale ?

Stan : Cette chanson est conceptuelle et nous avons construit un plan comme une bande sonore. Le jour où j’ai envoyé par mail les maquettes à mes camarades, il fallait baptiser le fichier. Dans le même temps j’avais commandé des carafes de vin qui sont des “Erlenmeyer”, comme les tubes gradués qu’on utilise en physique. Voilà l’origine du terme car en chimie ces tubes permettent de mélanger plusieurs produits pour provoquer une réaction. C’est un peu le concept de ce disque aux musicalités diverses, un album dans l’album.

Eric : J’aime l’idée que cela sonne comme un nom.

Diego : Très Allemand !

Stan : Comme le chimiste qui a donné son nom au récipient ! Emil de son prénom.

Diego : Que dire sur le clip “Hypnagogia” qui est sorti courant décembre ?

Julien : Nous l’avons tourné il y a un an !

Stan : On l’a tourné sur fond vert dans la cuisine de Scholl entre deux draps.

Eric : Tu as tous les codes du cinéma Hollywoodien mais tourné à la maison !

Stan : Un vrai blockbuster ! Notre premier…

Diego : Avec ses références aux Beatles et aux Pink Floyd !

Stan : Oui à un moment donné je me transforme… des influences de Maurits Cornelis Escher, un artiste graveur Néerlandais. Le graphiste Cyril Jean qui a réalisé le clip est devenu obsédé par ce titre, il y a passé un temps fou et n’en est pas sorti indemne de ses dires ! Du bon boulot. Musicalement, ce titre a été enregistré en deux temps car nous étions bloqués et avons préféré donner les pistes à mixer à un intervenant extérieur afin d’obtenir un remix. Mathis Bouveret-Akengin de Besançon (NdA : Catfish, Deadchic) a enregistré des cordes en Macédoine et remixé le titre, heureusement car nous arrivions au bout de nos possibilités !

Diego : Parmi vous certains ont-ils des troubles psychiques du sommeil ?

Eric : Je ne connaissais pas nécessairement le terme “Hypnagogie” mais les troubles du sommeil, c’est ma vie ! Depuis l’enfance, j’ai l’impression que mes jambes s’allongent et j’ai des phases de ricochet dans mes périodes nocturnes relativement agitées.

Diego : Je connais pas mal de fans qui vous remercient d’avoir glisser dans votre set-list “La Fille Du Chat Noir”, titre qui nous ramène aux débuts du groupe. Faut-il envisager le futur concert à Bercy prévu en octobre 2025 dans cet esprit là et comment est venue l’idée de fêter vos 30 ans dans l’ancien POPB ?

Stan : Il n’y avait plus que Bercy de libre donc nous nous sommes rabattus dessus… (rires) et nous avions fêté les 20 ans mais pas les 25 ! Depuis les travaux effectués en 2015, Bercy devenue Accor Arena sonne super bien. L’idée générale est de rassembler nos publics Français, Belge et Suisse à une date la plus proche possible de notre anniversaire (qui est officiellement fin septembre) pour une grosse fête ensemble volontairement choisie un samedi. Ce concert n’aura lieu qu’une fois.

Matmatha BDX 4

Julien : Revival Matmatah !

Stan : On y pense mais c’est encore trop tôt.

Eric : Il y a beaucoup de choses qu’on aimerait faire, on laisse murir et nous allons en parler avec notre entourage afin de proposer un concert évènement.

Diego : Avec des invités ?

Stan : Oui, on a commencé à y réflechir en l’annonçant, c’est à dire la semaine dernière ! (rires)

Scholl : Ce concert sera complètement indépendant de la tournée actuelle.

Diego : J’ai vu que quelques dates sont annoncées pour les festivals 2024. Allez-vous performer dans des endroits sympathiques comme l’outre-mer ou New York comme par le passé ?

Eric : On espère bien !

Stan : C’est notre récompense en fin de tournée. J’espère pas trop loin car avec l’âge cela devient chiant l’avion…

Julien : Pas plus loin que Belle-île en Mer ! (rires général)

Diego : Avec un échauffement à Jersey et Gernesey ! Pensez à vos passeports les amis !

Stan : Et Ouessant !

Eric : Saint Pierre et Miquelon c’était bien !

Stan : Pas exclu qu’on y retourne ! Néanmois il faut un sens à cette tournée et ne pas faire exploser notre bilan carbone.

Diego : Effectivement il est parfois judicieux d’être en accord avec les textes du groupe !

Stan : Exact mais c’est pas toujours évident…

Eric : Surtout lorsque tu comptes le nombre de kilomètres effectués en tournée…

Julien : Tu pourrais écrire des chansons sur les grosses bagnoles !

Diego : Comme Springsteen à ses débuts !

Stan : Ça reste toujours plus écolo d’aller voir les gens plutôt que ce soit eux qui se déplacent !

Diego : Parlons de Léo, nouveau guitariste du groupe. Qu’apporte t’il aux prestations scéniques et à l’ambiance de tournée ?

Léo : Je les saoule ! (rires)

Stan : Hors scène tout dépend de l’heure… à partir de 19 heures il devient con ! (rires)

Matmatha BDX 2

Eric : Diego si tu as des enfants tu peux comprendre… Léo a tous les âges en une seule personne sans changer d’apparence. Il commence tout juste à être autonome ! Il a compris comment on marchait, maintenant il court, il saute partout et dès qu’il est fatigué il dort, puis il a faim… un cycle éternel ! (rires)

Scholl : Comme un épagneul Breton de 6 mois !

Léo : Pour être plus sérieux c’est génial. Je m’amuse sur scène et mes camarades me laissent beaucoup de place.

Stan : Il faut beaucoup de terrain pour cette race là ! On ne met pas un husky dans un appartement ! (rires)

Julien : Un p’tit gars qui n’en veut ! (rires)

Diego : Sa présence permet-elle de revisiter ou rajeunir les morceaux de Matmatah ?

Eric : Oui. D’autant plus que Léo est respectueux du répertoire initial. Si une chanson fonctionne comme nous la jouions précédemment, nul besoin de changer le tempo ou d’intégrer quoique ce soit. La façon dont les gens ont envie d’entendre nos titres nous importe énormément. Sur d’autres chansons, l’apport est très plaisant sachant que les guitares sont importantes dans notre projet depuis nos débuts. Léo a les clés du côté “jardin” et c’est très interessant pour le public comme pour le groupe.

Stan : Et on le fait chanter !

Léo : Ça c’était pas prévu !

Diego : La chanson”Marée Haute” pourrait-elle être l’un des plus beaux textes de Matmatah ?

Stan : Cahuzac ne démode pas et revient dans l’actualité… j’ai signé la majeure partie des textes mais Eric écrit quelques chansons de temps à autre. Merci pour le compliment pour “Marée Haute”, il est plus facile de donner un avis lorsque tu es auditeur plutôt qu’auteur !

Eric : Généralement on chante les titres qu’on écrit. Je chante une ou deux chansons par album. Lorsque Stan nous a proposé cette chanson sur l’album précédent, nous avons tous ciblé un homme politique différent.

Diego : Un vivier qui se renouvelle constamment !

Stan : Ah oui !

Matmatha BDX 1

Diego : Un mot concernant le décès récent de Shane MacGowan, chanteur des Pogues ?

Eric : Fuck ! (rires)

Scholl : Je suis le seul du groupe à l’avoir croisé sans malheureusement lui parler.

Diego : Dans un pub ?

Scholl : Non lors du festival “Fête Du Bruit” à Landerneau en 2014. Il faisait déjà pas mal de pauses entre les chansons, il avait un physique impressionnant !

Stan : L’un des plus grands punks de tous les temps !

Eric : J’ai vu les Pogues en 1987, j’avais 15 ans et c’est un grand souvenir !

Diego : Avez-vous un rituel avant d’entrer en scène ?

Stan : Exceptée la manière très précise de scotcher les micros, nous n’avons pas de rituel particulier.

Eric : D’ailleurs si un fournisseur de rouleau Omnifix lit cette interview et peut nous contacter, cela nous intéresse ! Nous avons du mal à trouver ces bandes élastiques qui permettent de fixer les déports micros sur la peau…

Scholl : Néanmoins nous sommes pétés de névrose car chacun à ses “checks” personnels dans son coin durant toute la journée.

Stan : Et celles-ci sont minutées car le programme est prédéfini et immuable ! Balances, sieste, steak-haché pâtes à 17h30, une phase d’attente, on s’habille et c’est parti !

Julien : Nickel Stan, tu seras prêt pour l’Ehpad ! (rires)

Diego : Pour finir, quels sont vos meilleurs concerts vécus en tant que spectateurs ?

Julien : Le premier qui me vient c’est Divine Comedy à La Carène de Brest en 2019, super !

Eric : Je suis fidèle a ce que j’ai dit tout à l’heure : Les Pogues en 1987.

Scholl : Les Rolling Stones à L’Olympia de Paris en 2003. Incroyable, tu avais l’impression de les voir dans un bar ! Une belle proximité, la grande classe.

Stan : Oui nous étions ensemble. Sacré souvenir !

Léo : Un groupe Français qui s’appelle The Psychotic Monks. Sinon toutes les fois où j’ai vu Jack White.

Eric : Également José Gonzàlez & The String Theory à Pleyel en 2019.

Diego : Je ne connais pas !

Julien : Comme son nom ne l’indique pas, un Suédois chanteur du groupe Junip.

Stan : Personnellement je dirais Rajan & Sajan Mishra au Water Tank de Mumbai ! Nous n’avions pas les codes de cette musique et c’était terrible ! Une autre planète.

Scholl : Voilà d’ou vient “Hypnagogia” ! C’est la source…

Stan : Nous avions joué la veille à Mumbai et fait une grosse fête à l’issue. Nous avons été voir ce concert de musique classique Indienne dans un état de fatigue avancé juste avant de reprendre l’avion. Pas de chanteur, que de la musique avec des instruments locaux.

Eric : On a mis une demi-heure à comprendre que c’était pas les balances mais bel et bien le concert ! Une scène sur l’eau et il fallait se mettre sur une fréquence radio spécifique pour écouter le show, comme les cinémas en plein air à l’Américaine.

Stan : En fait, ils ont joué deux morceaux de 45 minutes !

Eric : Nous avons passé un mois sur place, j’essayais de comprendre le tempo, je n’ai jamais réussi…

Stan : Un concert très perché avec un sâdhu, l’équivalent local d’un moine. Un très grand souvenir !

Diego : Merci à vous 5 pour cette belle interview. Bonne tournée des festivals à l’été 2024 et on se revoit en octobre 2025 pour votre anniversaire !

Matmatah : Merci à toi.

  • Remerciements : Julien Banes d’UPTON PARK
  • Photos : Olivier Barau
  • Relecture : Jacky G.