INTERVIEW #148 – MIOSSEC @ DIEGO ON THE ROCKS
INTERVIEW MIOSSEC PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS
En 2020, l’album « Boire » de MIOSSEC a fêté ses 25 ans. Avant de « Baiser » 2 ans plus tard, Christophe a produit un premier effort devenu culte, précurseur d’une nouvelle vague musicale Française.
Rencontrer cet artiste est (encore) déroutant. Peu bavard et réservé, il se dévoile durant cette interview Musiques En Live qui s’est déroulée dans les méandres du superbe Théâtre Fémina de Bordeaux. Les photos sont de Christelle LESPARRE, la réalisation de Diego OnTheRocks.
DIEGO : L’album « Boire » fête ses 27 ans. Pour reprendre le titre de ta tournée, pourquoi faut-il s’enfuir après avoir bu et écrit ?
MIOSSEC : J’ai toujours aimé la fuite, c’est un mot péjoratif empreint d’une certaine lâcheté et toute ma vie j’ai adoré m’enfuir ! « Boire, écrire, s’enfuir » permet d’élargir la set-list de mes concerts afin de ne pas se focaliser uniquement sur l’album de 1995. Comme un fourre-tout.
DIEGO : L’écriture pour un auteur-compositeur est-elle une forme de fuite ?
MIOSSEC : Complètement ! Tu continues à écrire et tu as déjà quitté les lignes précédentes.
DIEGO : Comment réarranges-tu ou réorchestres-tu un album de 1995 pour le célébrer en 2022 ?
MIOSSEC : Initialement ce disque a été fait avec deux guitares, un peu de violon et du piano. Nous avons gardé l’ambiance de l’époque sans batterie. Sur la version originale, le violon était assuré par l’Américain Blaine REININGER, ancien du groupe Californien TUXEDOMOON dont j’étais fan dans ma jeunesse. Normalement c’est Mirabelle Gilis qui assure les cordes sur cette tournée mais ce soir elle a été retenue sur Paris, son remplaçant s’appelle Emilio pour la date Bordelaise.
DIEGO : Pas de batterie pour conserver l’esprit original ?
MIOSSEC : Il fallait conserver ce son qui n’était pas courant en 1995. D’ailleurs même aujourd’hui, il est rare de ne pas avoir de rythmique sur scène !
DIEGO : Et tu retrouves l’ambiance de tes premiers amours scéniques ?
MIOSSEC : J’ai commencé ma carrière musicale tardivement car j’ai notamment été journaliste. J’ai également été guitariste pour un groupe Brestois qui s’appelait PRINTEMPS NOIR. Pour répondre à ta question, on ne peut pas retrouver l’ambiance de l’époque et ce n’est pas le but. L’inquiétant est que ce disque n’à « que » 25 ans et j’ai l’impression qu’il vient d’un monde très lointain ! Nous étions différents, nous n’avions pas de portable, il y avait des bars dans les salles de concerts… les Français ont changé, changé d’une génération.
DIEGO : La tournée anniversaire touchera à sa fin le 28 mai au Vauban à Brest ?
MIOSSEC : Oui, la Cigale à Paris, l’ile de la Réunion et Brest !
DIEGO : Si je suis bien informé tu as été journaliste à la Réunion… tu peux nous en parler ?
MIOSSEC : Je suis parti là-bas au début des 90’s avant de concevoir « Boire ». J’avais tout largué pour la musique et me retrouvant fauché, j’ai répondu à une petite annonce d’offre d’emploi. J’officiais dans le journalisme culturel pour « Le Quotidien » de la Réunion. Je faisais de la TV et de la presse écrite. J’aime retourner là-bas, j’adore ce coin notamment Madagascar.
DIEGO : Après le travail, les vacances !
MIOSSEC : Je n’aime pas le mot vacances… dans notre travail j’ai toujours l’idée de partir quelque part, d’évasion.
DIEGO : Dans « Boire », tu as un titre qui s’appelle « Regarde Un Peu La France ». Celle de 1995 etait-elle plus agréable que celle de 2022 même si PASQUA et JEAN PAUL II ne sont plus là !
MIOSSEC : On a POUTINE et la COVID ! A voir quelle période est la meilleure… (rires)
A chaque génération, on ne se rend pas compte du bonheur que nous avions à vivre tranquillement. Les gens regrettent leur jeunesse et on entend souvent « c’était mieux avant ».
DIEGO : Parlons football étant donné que tu représentes Brest classé 12ème en ligue 1 au moment de cette interview et que tu es en concert à Bordeaux, 20ème et bon dernier. Mieux vaut être bien placé en 2ème division ou mal placé en 1ère ? (référence au titre « Evoluer en 3ème Division » sur l’album « Boire »)
MIOSSEC : Surtout lorsqu’on compare les budgets des clubs que tu viens de citer ! A Brest nous sommes dans les 3 plus petits budgets de la ligue 1. Ils font une très belle saison alors que les Bordelais sont aux fraises ! A une époque j’allais au stade Brestois, j’y vais moins car je n’ai pas envie de me « montrer ». Difficile d’être tranquille, si je vais au stade pour voir le match, je vais passer mon temps à discuter et n’aurais pas le ralenti des buts ! (rires) Y’en a toujours un pour te causer au moment opportun !
DIEGO : Dans ta discographie qui commence à être conséquente (12 albums studios + 1 compilation + 1 live), c’est incroyable de constater que « La Facture d’Électricité » de 2006 a eu plus de succès que « Non Non Non Non » de 1995 !
MIOSSEC : Et encore ce titre n’a même pas eu son petit succès commercial car il passait uniquement sur les radios étudiantes… de temps à autre sur FRANCE INTER à des heures tardives. L’idée de l’album « Boire » était de ne pas être commercial, cela peut paraitre contradictoire pour un premier album publié mais c’était volontaire.
DIEGO : Tu es resté fidèle à tes idées ! Es-tu un rescapé de la nouvelle scène Française des années 90 ?
MIOSSEC : Oui, c’est un métier de rescapés car on peut couler à une vitesse incroyable ! DOMINIQUE A et KATERINE sont toujours présents mais s’il fallait établir une liste, nous ne sommes plus nombreux…
DIEGO : Des mecs comme CALI avec qui tu as tourné un clip ne sont arrivés qu’après !
MIOSSEC : Oui, CALI est arrivé au début des années 2000. Le clip dont tu parles est celui de « Elle M’a Dit » tourné devant le Bataclan à Paris. La chanson dure 4 minutes et le clip a été tourné en 4 minutes ! Je n’ai pas le droit de trahir les secrets avant et après ce tournage… (rires)
DIEGO : J’imagine que l’ambiance devait être folklorique ! Qu’est ce qui fait vibrer MIOSSEC et rager Christophe ?
MIOSSEC : J’aime certains artistes notamment ceux qui font du hip-hop comme Q. C’est un style musical que j’écoute depuis 1981, j’ai commencé avec ANTIDOTE, un groupe Brestois qui fut une référence de Joey STARR. Je faisais partie de « leur bande », j’aime également beaucoup Sofiane SAIDI, un Algérien qui a bossé avec Natacha ATLAS et Rodolphe BURGER.
En fait j’apprécie les nouveaux mouvements musicaux, lorsqu’ils sont à leurs balbutiements. La techno, la house… lorsque je bossais à OUEST FRANCE, nous recevions tous les maxis 45 tours, c’était fabuleux… période 1986-1987. Ceci explique pourquoi je me suis senti comme un OVNI en 1995 avec mon premier album alors que la DANCE et la HOUSE battent leur plein ! Je n’aurais jamais fait de rap mais j’adore AFRIKA BAMBAATAA, fondateur de la Zulu Nation. Pour ce qui fait rager Christophe, je le garde pour moi…
DIEGO : Lorsque ce n’est pas commercial, c’est mieux ! Revenons à ton actualité discographique : tu as sorti un EP qui s’appelle « Falaises » l’été dernier. Un album est-il prévu avec Mirabelle ?
MIOSSEC : A deux non mais Mirabelle travaille sur son album personnel. De mon côté, je prépare un prochain disque sur lequel elle apparaitra. Sur « Falaises », nous avons chanté l’intégralité des titres en duo et je trouve sincèrement que nos voix juxtaposées collent vraiment bien ! Autant j’ai pu enregistrer quelques duos approximatifs par le passé, autant je trouve que dans le cas cité, ça fonctionne. Nos timbres sont bons. Nos nouvelles productions devraient voir le jour fin 2022, début 2023.
DIEGO : D’ailleurs vous avez une complicité scénique palpable, notamment visible dans le concert enregistré pour le NANCY JAZZ PULSATIONS disponible sur ARTE. On voit régulièrement Mirabelle jeter le petit coup d’oeil sur toi très bienveillant !
MIOSSEC : C’est marrant car je n’ai pas trop aimé les lumières de ce concert malgré le travail du copain éclairagiste qui fut énorme. Pour être top, il fallait bien jauger le brouillard qui devait être capté par les caméras. Au final, une opération délicate qui n’est qu’un détail. Effectivement, la complicité est palpable sur scène entre nous.
DIEGO : Le titre « Tout Ira Bien » est une chanson optimiste ou pessimiste ?
MIOSSEC : Disons que tout ira bien un jour mais peut-être pas ce soir ni demain… (rires) Il faut continuer à vivre et à garder un certain optimisme !
DIEGO : Le contenu de tes textes réside dans tes chansons, tu n’aimes pas te raconter !
MIOSSEC : A une époque je parlais plus avec le public. Actuellement, je préfère laisser la place aux chansons et ne pas trop bavarder entre les titres. C’est souvent trop écrit et pas instinctif, je le déplore.
DIEGO : L’inverse de STEFAN EICHER qui se raconte sur scène !
MIOSSEC : Nous avons déjà joué ensemble ! Stefan est un conteur, il prend son temps et raconte des blagues. Son accent apporte un charme fou au personnage.
DIEGO : D’ailleurs les relations humaines, entre chanteurs ou avec le public sont un sujet intarissable ?
MIOSSEC : Oh oui ! Jusqu’à la fin des temps. Mon prochain album est en friche et j’aborderai les sujets concernés en temps voulu. Néanmoins il n’y aura pas de chanson sur la COVID même si c’est d’actualité et concerne l’humain !
DIEGO : En parlant de la COVID, dans quel état est la culture musicale ?
MIOSSEC : Franchement pour les jeunes générations, c’est effroyable. L’embouteillage actuel est monstrueux et il n’y a pas assez « d’oreilles » pour écouter les nouveautés. Les jeunes qui étaient en phase ascensionnelle au moment de la pandémie doivent avoir beaucoup de mal à sortir la tête de l’eau pour repartir. Je pense que dans le théâtre, la situation est encore pire que dans la musique. Actuellement, nous avons un phénomène de « ghost », des spectateurs qui achètent leur billet mais ne viennent pas…
DIEGO : Je te sais fan de BASHUNG, quel est l’album qui t’a le plus marqué ?
MIOSSEC : Sans hésiter l’album « Play Blessures » de 1982 ! Un chef d’oeuvre tout comme « Melody Nelson » de GAINSBOURG qui sont des disques qui n’ont pas marché… c’est étrange de constater que beaucoup d’artistes connus ont publié des albums qui ont été des bides commerciaux ! A mon modeste niveau, j’ai la chance de vivre de la musique.
DIEGO : Comme le BOWIE de 1975 que tu m’as fait découvrir dans les loges du Krakatoa il y a quelques années !
MIOSSEC : Oui « Young Americans » ! Pas l’album le plus connu… d’ailleurs par ton intermédiaire, Hélène (de Nantes) m’avait offert la version vinyle en édition Japonaise à Tokyo ! Merci beaucoup ! Je l’ai dans ma collection à la maison… ce disque est dingue et bénéficie d’un casting impressionnant… BOWIE dénigrait ce disque car il était trop funky. Avec LENNON et Mc CARTNEY !
DIEGO : Peut-on considérer que MIOSSEC, CALI, EICHER, BENABAR… c’est la même « clique » ?
MIOSSEC : C’est marrant car de l’extérieur certains pensent qu’on se tire dans les pattes… d’ailleurs les gros arrivistes un peu méchants qui nous critiquaient n’ont pas réussi à percer… plein de cons ! Dans les artistes que tu cites, je pense que le plus torturé est Bruno BENABAR ! Très dark à manger ses pizzas ! (rires) Tu m’as dit que tu le voyais bientôt, n’hésites pas à le saluer de ma part !
DIEGO : Ce sera fait. Pour finir, quels sont tes meilleurs concerts vécus ?
MIOSSEC : L’Américain Bruce JOYNER. Le groupe FISHBONE à leur première période… en concert car sur disque c’était moins bien ! De grosses émotions musicales. Egalement LA COLONIE DE VACANCES qui est un collectif réunissant 4 groupes underground (PNEU, ELECTRIC ELECTRIC, MARVIN et PAPIER TIGRE). Je les ai vus à la Rochelle sur plusieurs scènes distinctes, un truc de dingue.
DIEGO : A découvrir pour ma part ! Merci beaucoup Christophe, bonne fin de tournée.
MIOSSEC : A bientôt !
- Remerciements : Virginie PARGNY
- Photos : Christelle LESPARRE
- Relecture : Jacky G.