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INTERVIEW #157 – AXEL BAUER @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW D’ AXEL BAUER PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

On ne présente plus AXEL BAUER ! Guitariste et chanteur talentueux, il revient périodiquement avec de superbes compositions depuis 1983 et la publication de « Cargo ». A 61 ans, le Parisien vient de sortir son 7ème album studio baptisé « Radio Londres » qui mériterait d’obtenir une prochaine victoire de la musique tant celui-ci est qualitatif. Hommage à son père, reprise d’un texte d’Aragon et titres personnels parsèment ce nouveau disque.

Pour Musiques En Live, Diego a rencontré l’artiste lors d’un passage à la FNAC de Bordeaux. Votre chroniqueur remercie chaleureusement l’enseigne pour la qualité de son accueil. Les photos sont signées Anne CUEFF (anneouiart.com)

DIEGO : Tout d’abord je me permets une question personnelle étant donné que cela a été rendu publique, comment va ta santé ?

AXEL BAUER : La santé va bien et je te remercie de me poser la question. 

DIEGO : A ce sujet le titre « C’est Malin » parle t’il de la maladie ?

AXEL BAUER : Ce n’est pas une chanson sur la maladie mais sur la peur de perdre l’invincibilité d’un être en bonne santé. On peut se sentir fragilisé par l’annonce d’une mauvaise nouvelle et j’explore ce « passage » dans « C’est Malin » qui peut mener au drame. En aucun cas cette chanson est un hommage au cancer ou à la maladie, cela n’aurait pas de sens.

 

DIEGO : Ce titre a été composé au piano ou à la guitare ? Le clavier est omniprésent…

AXEL BAUER : De mémoire les deux ! Je suis guitariste et je « tâtonne » plus avec un clavier… Au piano, je fonctionne à l’oreille contrairement à la guitare où je maitrise complètement les accords et ai des automatismes. Le piano amène des surprises car on a 10 doigts… donc 4 ou 5 de plus qu’à la guitare en fonction du nombre de cordes ! Les écarts et les constructions sont différents, notamment les basses et les aigus. Lorsqu’il y a un riff, c’est une composition de guitare, lorsque c’est orchestral et structuré cela vient généralement d’un piano qui apporte ce lyrisme si particulier.

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DIEGO : La pochette de ton dernier album est superbe. On sent un regard sur le vide, un regard sur le monde. Peux-tu en parler ?

AXEL BAUER : Ton analyse est bonne dans le sens où c’est la tienne ! Je trouve qu’une pochette est réussie dès qu’elle évoque une situation et raconte quelque chose. Ce personnage au bord du vide fait ressentir le danger, la sérénité et j’adore ce cliché de Yann ORHAN effectué durant le tournage du clip de « C’est Malin ».

 

DIEGO : « En d’autres temps, on était plus résistant », texte signé Boris BERGMAN dans la chanson « Ici Londres ». Tu parles de ton père décédé en 2018, quel regard avait cet ancien résistant sur les années 2000 et quelle est l’origine de cette chanson ?

AXEL BAUER : Ce titre est un hommage aux speakers de Radio Londres, mon père Franck BAUER en faisait partie avec entre autres, Maurice SCHUMANN et Jean OBERLÉ. D’ailleurs dans la version album, j’ai enregistré la voix de mon père citant les noms des speakers de Radio Londres. « Les Français parlent aux Français » en était une émission phare. Écoutée pendant la deuxième guerre mondiale, elle s’adressait aux Français et l’antenne se trouvait à la BBC en Angleterre, tout le monde ne le sait pas. Ce pays était bombardé alors que nous étions en période d’occupation. Ils énuméraient des messages codés pour la résistance sous forme de textes assez drôles du type « Les carottes sont cuites… »

Avec Boris BERGMAN nous avons reproduit et inventé des messages qu’on retrouve dans la chanson « Ici Londres » comme « Les gorilles bananent l’archevêque » et « La girafe est dans les nuages ». 15 ans plus tôt, j’avais parlé à mon père de la guerre et je le questionnais sur la résistance. En parallèle, il me parlait de sa voix « médium » lui permettant de se faire entendre pour parler au dessus du brouillage radiophonique des Allemands. Ce jour là, nous avons enregistré des messages dans mon studio et repris les phrases « Les Français parlent aux Français » et « Ici radio Londres ». A ce moment m’est venu l’idée d’une chanson sur la résistance. Il souhaitait « transmettre ce message » mais je n’avais pas nécessairement encore trouvé sous quel angle aborder le sujet. Comme beaucoup de gens de son âge, il était cultivé, curieux et savait se détacher du passé. Il ne s’inquiétait pas de l’avenir. J’ai compris tardivement cette psychologie suite à la parution de son livre « 40 degrés à Londres, l’espion qui venait du jazz » publié en 2004. Il y explique sa vie de résistant. J’ai compris qu’il vivait dans le présent sans se soucier du lendemain, mode de vie qu’il a conservé après guerre. Mon père disait souvent que durant les temps catastrophiques, les bons et les mauvais se révèlent. On ne sait pas à l’avance à qui l’on a affaire ! En résumé, le principe du héros et du salaud.

DIEGO : Cette chanson est dans le même registre que « Né en 17 à Leidenstadt » de GOLDMAN » !

AXEL BAUER : Oui c’est dans le même thème. Après GOLDMAN aborde plus la déportation et sa chanson est en trio.

DIEGO : Un titre comme « Le Jour S’Enfuit » relate la même ambiance mais ton nouvel album « Radio Londres » aborde également d’autres thèmes. Je pense à « J’aime Ça ». Est-ce un bilan ? Une projection sur l’avenir après la pandémie ?

AXEL BAUER : Je vais trouver les mots justes mais « J’aime Ça » relate une personne qui traverse la vie sans observer les choses naturelles. Par exemple regarder la mer ou s’embrasser et s’engueuler entre amis ! Jouer devant des gens… J’aime « ça » et c’est une prise de conscience que durant le confinement, on nous a enlevé « ça ». Probablement pour notre bien mais dans tous les cas, nous ne vivions plus « ça », notre normalité.

Pierre Yves LEBERT qui est un auteur ayant travaillé sur ce disque habite à Crozon et cette idée lui est venue en se baladant en bord de plage avec son chien. Toutes ces choses basiques manquaient… Ce qui est cité dans le texte relate plus un manque qu’un bilan. Avec ce raisonnement, on a plus envie de chérir ces moments de vie banales qui malgré leur simplicité, sont extraordinaires.

 

DIEGO : J’avais une lecture parallèle de ce titre pas totalement orientée COVID et plus générale. Axel BAUER est plutôt un guitariste ou un chanteur ?

AXEL BAUER : Je ne suis pas l’un sans l’autre ! Il y a une superbe chanson de Matthieu CHEDID qui résume la situation : « Qui De Nous Deux ». Ce que je peux dire avec ma guitare, je ne peux pas le dire avec ma voix et inversement. Lorsqu’on peut s’accompagner à la guitare, on est son propre orchestre et support de nos mélodies et émotions. Une autonomie qui est agréable et qui permet comme aujourd’hui, de me produire seul à la FNAC. Un partage avec le public différent qui comporte deux instruments, ma guitare et ma voix.

 

DIEGO : Les chansons de ton dernier album sont relativement longues et incluent de longs morceaux de guitare !

AXEL BAUER : La nuance est qu’elles incluent des « solos » de guitare ! Le solo est une expression par laquelle j’ai appris à jouer. J’ai commencé avec « Stairway To Heaven » de Jimmy PAGE et « Hotel California » des EAGLES. Techniquement des artistes comme Jimi HENDRIX et Johnny WINTER sont arrivés après car ils nécessitaient une certaine dextérité. J’ai mis deux ou trois ans à y parvenir. Dans les 70’s, tes collègues journalistes parlaient de « guitare-lead (ou solo) » et « guitare-rythmique ». J’ai souvent été « solo » dans les groupes de ma jeunesse. J’ai le sentiment d’exprimer autre chose avec mes solos de guitare, comme un ajout à la chanson chantée mais de façon instrumentale.

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DIEGO : D’ailleurs quels sont les guitaristes qui actuellement sortent du lot ?

AXEL BAUER : Cela dépend du domaine car il faut être spécifique avec la guitare. Le « Shred » (NdA : virtuose à la guitare) ou le « Jazz » n’ont rien à voir. Comment comparer John Mc Laughlin (adepte du jazz fusion) avec Steve VAI (heavy metal) ? Ils pourraient probablement jouer ensemble mais ne sont pas dans la même famille. En France, nous avons Sylvain LUC qui est un musicien exceptionnel et toute une bande de « shredder » de très haut niveau. J’ai la chance d’être dans le projet collaboratif UNITED GUITARS qui invite des « maîtres » de la 6 cordes. Je précise qu’il ne s’agit pas d’un concours mais d’un collectif de passionnés. Pour répondre à ta question, il n’y a pas de prix décerné au meilleur guitariste.

Pour la dextérité, certains YouTubers ou Instagrammers sont incroyables, je pense à Mateus ASATO, un Brésilien de 28 ans. L’Américain Jason RICHARDSON et le groupe de métal progressif POLYPHIA défient la technique guitaristique.

 

DIEGO : Une autre chanson de ton album retient l’attention : « Est-Ce Ainsi Que Les Hommes Vivent ? » Une chanson de Léo FERRÉ sur un texte d’ARAGON

AXEL BAUER : Initialement il s’agit d’une rythmique « chachacha » et j’ai essayé d’en faire quelque chose de différent en incluant ma culture rock. Ce titre date de 1956 pour le texte et 1961 pour la mise en musique de FERRÉ. Un classique repris par Yves MONTAND, Philippe LÉOTARD et par Bernard LAVILLIERS qui en a fait une version symphonique. Lors d’un album hommage, j’ai choisi ce texte car les mots d’ARAGON résonnaient en moi.

 

DIEGO : Parlons d’un titre de l’album « Peaux De Serpent » de 2013 que tu jouais en fin de concert lors de ta tournée précédente : « Rien Ne S’Oublie ». C’est une suite non avouée de « Cargo » ?

AXEL BAUER : Dans le texte, je parle de souvenirs laissés dans des cargos mais ce n’est pas une suite. Lorsqu’on a une carrière longue, on se fait des clins d’oeil que le public comprend. Un joli texte de CHET (Thierry SAMOY) qui est aujourd’hui le manager de Bertrand BELIN et de MIEL DE MONTAGNE.

DIEGO : D’ailleurs j’ai vu la reprise de « Quand T’Es Dans Le Desert » avec Bertrand BELIN sur TARATATA ! Enorme la version !

AXEL BAUER : Oui c’est vrai… nous l’avons enregistrée très récemment et j’aime beaucoup cet artiste. Quant à CHET, son texte de « Rien Ne S’Oublie » fut attribué à l’époque par erreur à Marcel CONCHE sur le livret du CD. Grâce à toi je peux le rectifier ! Merci pour lui !

 

DIEGO : En parlant de concerts, qu’est ce qui est prévu ?

AXEL BAUER : Cet été nous allons jouer sur quelques festivals comme L’Ile d’Yeu, Saint Priest et les Nuits de la Guitare. Une date au Trianon de Paris vient d’être annoncée. Elle sera suivie d’une tournée provinciale jusqu’en 2023 avec des salles d’une capacité de 1000 à 1500 spectateurs, vraisemblablement des théâtres. J’aime beaucoup la ville de Bordeaux et suis impatient de m’y produire à nouveau !

 

DIEGO : Nous aussi sommes impatients de t’y accueillir ! Côté artistique, c’est plus facile de commencer en 1980 ou en 2020 ?

AXEL BAUER : C’est plus facile aujourd’hui de s’exprimer ! Les outils sont à disposition de tous avec les ordinateurs et internet. Dans les 80’s, il fallait avoir plus d’argent pour s’acheter une guitare, aujourd’hui tu trouves des guitares et des claviers midi à foison sur le bon coin pour pas cher. Ceci permet une ouverture et un développement musical que nous n’avions pas. Pour te faire connaitre tu n’as plus besoin de label, ce qui n’était pas notre cas à l’époque. Il fallait séduire un directeur artistique pour finir en studio. Pareil pour les musiciens et les éditeurs. L’investissement devait être rentable. Par contre l’accès étant plus aisé, il est plus difficile de se faire remarquer favorablement en 2022 !

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DIEGO : Pour finir ma question habituelle, quels sont tes meilleurs concerts vécus en tant que spectateur ?

AXEL BAUER : La première claque que j’ai pris, ce sont les WHO en 1974. Ce concert de rock m’a donné envie de faire de la musique. S’il n’en reste qu’un, c’est celui-là ! D’ailleurs c’est marrant car j’ai rencontré d’autres musiciens présents ce soir là qui ont ressentis la vocation au même concert ! C’est formidable ! Une expérience mystique.

Pour le reste, il faut aller en concert. L’expérience est différente des écouteurs et de la radio. Je recommande de voir un concert symphonique. Je conserve un souvenir incroyable de « La Symphonie Des Mille » de Gustav MAHLER avec 1000 choristes et des instruments acoustiques. Tout comme un trio rock ou jazz dans un bar pourrait t’émerveiller. La musique se vit sur scène, sans style particulier. Actuellement j’écoute beaucoup Oumou SANGARÉ, une artiste Malienne formidable que j’aimerais voir en live.

 

DIEGO : Merci Axel pour cette belle interview.

AXEL BAUER : Merci Diego ! Je vous aime et venez voir les artistes en concerts !

  • Remerciements : Véronique ESPARZA (FNAC) / Sylvain BAUDIER (WE.REPREZENT) / Didier ROUSSARIE (FNAC)
  • Photos : Anne CUEFF pour anneouiart.com et MUSIQUES EN LIVE / Yann ORHAN pour la pochette
  • Relecture : Jacky G.