INTERVIEW MANUSCRITE #96 – AYO @ DIEGO ON THE ROCKS
INTERVIEW AYO PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS
AYO (qui signifie « joie » en langue Yoruba) est une artiste lumineuse. Sa présence apaise et les messages d’amour contenus dans ses textes procurent un bien-être sans équivalence. Souriante et rayonnante, la chanteuse a accordé à Musiques En Live une interview à 00h30 dans ses loges après 2H15 de show ! Bouleversé par le spectacle fini et l’horaire inhabituel d’une rencontre, Diego a adapté ses questions sous le regard affûté d’Emma Derrier, photographe de votre webzine préféré.
DIEGO : Merci AYO pour le spectacle que vous venez de produire au Rocher de Palmer. Vous avez rendu hommage à Lhasa De Sela pour introduire la chanson « Fool’s Gold ». Qui était-elle ?
AYO : C’est une artiste Américaine décédée d’un cancer du sein à l’âge de 37 ans. Je suis touchée par son parcours et j’ai rencontré plusieurs personnes de sa famille. Comme je l’ai mentionné durant le concert, j’ai connu son travail grâce à Christophe Deschamps, mon batteur. Elle nous a quittés en 2010.
DIEGO : Un malheureux hasard fait que Lhasa est décédée la même année que Abbey Lincoln, chanteuse jazz dont vous reprenez superbement le titre « Throw It Away » dans votre dernier album !
AYO : Elles sont décédées la même année ! Je ne le savais pas, c’est incroyable… concernant Abbey j’ai l’impression que c’était hier. Je m’en souviens car c’était un mois avant mon anniversaire (NdA : septembre 2010)
DIEGO : D’ailleurs concernant votre 6ème et dernier album baptisé « Royal », votre producteur ne souhaitait-il pas avoir un disque contenant uniquement des reprises d’autres artistes ?
AYO : Non, la maison de disques souhaitait que je fasse un album de reprises de mes propres chansons. Je n’étais pas motivée par l’idée mais contente de partir sur un nouveau projet.
Avant de rentrer sur Paris en provenance de New York, j’ai contacté mon manager afin de lui dire que l’idée ne me convenait pas compte tenu de mon jeune âge (38 ans lors de l’enregistrement). Voilà pourquoi nous sommes partis sur un album mélangeant nouvelles compositions et quelques reprises comme celles de Lhasa et Abbey.
DIEGO : Côté concerts, enfin vous retrouvez la scène, votre public et votre travail après cette pandémie !
AYO : Oui enfin est le mot juste ! D’ailleurs c’est la première fois de ma vie que j’ai réalisé que c’était mon travail… tellement c’est une passion à la base ! Tous les musiciens ont constaté qu’ils étaient inertes. Malheureusement je ne sais rien faire d’autre, à part le surf ! (rires) Je pratique partout dans le monde et notamment au Portugal ou j’habite et à Tahiti.
DIEGO : Superbe endroit que j’ai la chance de connaitre. Quels sont vos spots préférés ?
AYO : J’adore l’ile de Raiatéa, Vairao, Teahupoo et Mooréa qui est à 30 minutes de l’ile principale. Des endroits magnifiques… j’espère y retourner à Noël pour chanter et surfer.
DIEGO : La spiritualité est un terme important dans vos chansons. Est-ce le moyen de s’élever afin d’affronter les obstacles que nous réserve la vie ?
AYO : La spiritualité fait partie de moi. J’ai l’impression que c’est inné, comme une connexion permanente à « la source ».
DIEGO : C’est le « message » de l’album « Royal », votre besoin d’être connectée à la source ?
AYO : Exactement. D’ailleurs on retrouve cette spiritualité dans les titres de Lhasa et Abbey dont nous parlions tout à l’heure. Le contenu de leurs chansons comptent autant que leurs vies d’artistes. J’avais une réelle connexion avec Abbey Lincoln car nous nous connaissions personnellement. Je l’ai rencontrée lors de l’enregistrement de mon premier album en 2006 alors que je chantais l’un de ses titres (« And It’s Supposed To Be Love ») et j’ai eu sa bénédiction ce jour là. Le but est de respecter le titre tout en lui apportant quelque chose.
DIEGO : Ce soir vous avez également interprété une reprise qui dure 10 minutes d’un titre de Maxime Le Forestier : « Né Quelque Part« . Volontairement vous n’avez pas repris les choeurs de la version originale ?
AYO : J’ai volontairement retiré les magnifiques voix des choeurs de l’Afrique du Sud. Le but n’était pas de refaire comme Maxime mais d’adapter avec le piano la chanson.
DIEGO : Autre titre de votre album qui m’a interpellé : « Afro Blue ». Un côté jazzy très classique ?
AYO : Merci ! On ne l’a pas jouée ce soir. « Afro Blue » est un classique du jazz qui a un côté magique. Ce titre date de 1959 et contient une couleur unique qu’on peut retrouver dans la « Chanson Douce » d’Henri Salvador. C’est universel, hors du temps.
DIEGO : D’ailleurs comment le « Cookie Dingler » Freddy Koella est arrivé à vous ? Il a joué avec Dylan durant une tournée 20 ans après son tube « Femme Libérée » !
AYO : Grâce à mon manager. Il m’a fait signer mon premier contrat discographique chez Universal. Je considère son patron Jean Philippe Allard comme mon père musical. Il a senti que Freddy pourrait apporter quelque chose à ma musique, il avait raison. Nous nous sommes rencontrés à New York. Il est incroyablement doué, gentil et il ré-interprète mes chansons à sa façon avec une couleur très particulière qui pourrait porter son nom… la couleur musicale Freddy Koella ! (rires)
DIEGO : Revenons à vos thèmes de prédilection, dans notre société individualiste et violente, faut-il croire en l’humanité plus que jamais ?
AYO : Evidemment ! Il faut croire en nous. C’est primordial, il faut avoir et faire confiance. D’abord être bien dans sa peau afin d’être bien avec les autres.
DIEGO : Un message que vous relayez en concert ! Lorsque vous parlez des couples qui se détruisent durant la COVID parce qu’ils n’avaient pas l’habitude de vivre « autant » ensemble !
AYO : Tout à fait. Une conséquence internationale de la pandémie. Une augmentation surprenante des violences conjugales parce que les gens n’ont pas l’habitude de vivre ensemble… c’est fou !
DIEGO : Le remède universel ne serait-il pas la musique ! Un langage compris de tous…
AYO : La musique et le foot !!! surtout dans les pays chauds….(rires)
J’habite au Portugal et tous les week-ends il y a normalement une ambiance particulière due aux matchs qui se déroulent près de chez moi. A 23 heures, une luminosité et une ambiance de folie. Durant la COVID, plus rien… cela faisait bizarre de penser que la vie était arrêtée. Après il ne faut pas penser que tout est rose car il peut aussi y avoir de la violence durant les matchs de foot et certains festivals de musique.
DIEGO : C’est clair ! D’ailleurs vous me parlez du Portugal ou vous vivez. Vous avez également vécu à Paris et New York, quelle sera la prochaine étape ?
AYO : J’étais aussi à Londres et Kingstown…. j’aimerais partir à Tahiti. C’est loin mais c’est bien d’être loin ! En vieillissant on recherche son propre paradis… c’est le pouvoir du Pacifique. J’espère jouer un jour en Nouvelle Calédonie.
DIEGO : Pourquoi avoir enregistré l’album « Royal » aux studios Ferber de Paris ?
AYO : J’avais déjà enregistré des titres là-bas. C’est un endroit mythique comme Abbey Road à Londres. Sur place il y a une ambiance particulière et un sofa qui semble très usé. J’adore m’asseoir dedans en pensant que Serge Gainsbourg et Jean Michel Jarre ont fait pareil ! Remarque ils ont peut-être changé le canapé depuis leurs passages !!! (rires)
DIEGO : Abbey Road à Londres, vous connaissez ?
AYO : Malheureusement non, un jour peut-être. Par contre j’ai enregistré aux Compass Point Studios aux Bahamas où sont passés les Rolling Stones, AC/DC et plein d’autres…
DIEGO : Puisque vous parlez de soleil, votre bassiste à improvisé un solo de Bob Marley durant le concert ?
AYO : Oui ce soir il l’a joué durant « Né Quelque Part » ! Il varie en fonction des concerts. Il aime également improviser sur les Beatles.
DIEGO : Quel est le concert qui vous a le plus marqué ?
AYO : Sans hésiter Prince à Londres. Un concert incroyable et magique. Je ne me souviens pas de l’année mais j’ai été subjuguée.
A Tahiti j’apprends la danse locale mais cela ne compte pas ! D’ailleurs un musicien reggae a marqué la Polynésie, il s’agit de Bobby Holcomb, un Hawaien qui vivait à Huahine. Il est décédé en 1991 et était un personnage important. Il faut écouter sa musique !
DIEGO : Dernière question, comment Christophe Deschamps, fidèle de Goldman est devenu batteur de AYO ?
AYO : En remplacement de Denis Benarrosh qui est parti faire la tournée de Francis Cabrel. Il le suit depuis 30 ans. Sans la COVID, les plannings ne devaient pas se chevaucher mais cela n’a pas été possible. Freddy Koella joue également avec Cabrel depuis une dizaine d’années.
DIEGO : Vous êtes bien entourée AYO ! Merci d’être le rayon de soleil de cette journée pluvieuse à Bordeaux. A bientôt.
AYO : Merci Diego.
- Remerciements : Virginie Pargny / Cyril (régisseur de l’artiste pour sa patience et son écoute)
- Photos : Emma Derrier
- Relecture : Jacky G.