
INTERVIEW SINCLAIR @ DIEGO ON THE ROCKS
INTERVIEW SINCLAIR
Depuis 1993, SINCLAIR illumine la funk française en publiant régulièrement des albums qualitatifs. Auteur, compositeur, interprète, éditeur, producteur et distributeur, le Tourangeaux a su s’adapter aux contraintes de son temps et il a récemment sorti un « Best Of Studio » qu’il défend aux 4 coins de l’hexagone. Avant son passage au Rocher de Palmer de Cenon le 5 novembre prochain, Diego a pu interviewer le fils de l’un des ingénieurs du son les plus renommés (Dominique Blanc-Francard)
Diego : Comment se passe ta nouvelle tournée entamée en juin 2025 ?
Sinclair : Super ! Cet été était une mise en route dans les festivals permettant de constater que le public est toujours présent et que le groupe tourne bien. Nous sommes très contents.
Diego : D’ailleurs, qui sont tes musiciens ?
Sinclair : J’ai souhaité monté un groupe « du sud » car j’habite Arles depuis 6 ans. A cet effet, j’ai choisi des musiciens du coin afin que le public ressente le même climat que celui que je vis au quotidien. A la basse et à la batterie, ce sont deux frères, Yohan et Thibault Akrich qui sont formidables, à la guitare Antoine Salem qui a vécu une vingtaine d’années à Los Angeles, au saxophone mon fidèle Fabien Kisoka et aux claviers Julien Boursin. J’avoue que cela fonctionne très bien !
Diego : Musicalement et compte tenu de tes performances, tu nécessites « un groove » bien particulier ! Faut que ça sonne !
Sinclair : C’est un vaste univers et malgré les qualités des uns et des autres, j’ai besoin de musiciens qui font tourner la musique. C’est dans l’Adn, soit on groove, soit on ne groove pas ! Le choix se fait en y ajoutant une culture particulière et un niveau requis.
Diego : Dans tes futurs concerts, avez-vous des passages de liberté musicale et d’improvisation ?
Sinclair : Bien sur. Le concert est construit comme un film. Je fais du cinéma avec ma musique et les setlitsts sont pensées pour intégrer mon univers tout en laissant une part d’improvisation en assimilant les nouveaux arrangements. C’est un vrai voyage musical.
Diego : D’ailleurs, tu préfères composer des albums estampiller « Sinclair » ou composer des musiques de films (NdA : A ce jour, il en a composé 8) ?
Sinclair : Franchement, c’est très saisonnier. Par moment, j’ai envie d’être Sinclair et d’autres où je préfère bosser pour les autres comme une musique de film. Tu es au service d’un réalisateur et d’une histoire, je ne te cache pas que cela fait longtemps que je n’ai pas eu de proposition interessante et je referai cet exercice lorsqu’on viendra me chercher ! Je suis multi-instrumentistes et j’ai refusé des propositions de BOF car il fallait composer « à la manière de » et cela ne me plaisait pas. J’ai eu la chance de travailler pour des films sur lesquels j’avais ma place. Aujourd’hui, je priorise mes albums.

Diego : 3 démos + 2 inédits dans ton « Best Of Studio » sorti récemment, est-ce une façon de remercier tes fans les plus fidèles ?
Sinclair : Complètement ! C’est également un processus interessant que j’explique sur mon Instagram et en ajoutant des inédits et des démos, tu fais comprendre que des morceaux passent à la trappe sans pouvoir l’expliquer ! Soit on n’assume pas la chanson, soit le morceau arrive trop tôt ou trop tard par rapport à la publication du disque et à l’homogénéité de celui-ci. Le temps efface tout mais tes DAT et tes minidiscs stockés sont la mémoire de tes compositions. Il serait dommage de ne pas les partager ! Pour les démos, ce sont les dernières étapes entre le studio et la version qui finira sur l’album. On sent le lâcher prise sur « Si C’Est Bon Comme Ça » et le piano qui devient électro sur « Supernova Superstar » et je souhaitais les partager avec mon public.
Diego : Et tu sais que les mélomanes adorent ces versions démos ou maxis pour les plus anciens !
Sinclair : C’est une autre lumière sur un travail permettant de découvrir l’âme du morceau. C’est hyper interessant !
Diego : « La Rivière » et « Jamais Su » sont de vieux morceaux ?
Sinclair : « Jamais Su » date de 2003-2004 après la longue tournée « Supernova Superstar » alors que j’étais en procès avec EMI ! Un temps fou pour résoudre ce souci et ce titre était dans un nouveau projet d’album. Je trouvais le morceau un peu faible pour intégrer la compilation « Comme je Suis » et, à tort, et je ne l’ai pas mis. « La Rivière » devait être dans « Morphologique » en 2006 et faute de temps, il est resté dans les cartons.
Diego : Et j’ai cru comprendre que tu devais publier un concert prochainement ?
Sinclair : Initialement, cela devait être un best-of live mais en fait c’est un live de 2005 filmé, monté et édité qui va ressortir. A l’époque, j’avais un disque studio sous le coude et n’ai pas voulu le publier. Il contient des morceaux plus rares.
Diego : Côté compositions, qu’envisages-tu prochainement car j’imagine que les motivations du quinquagénaire que tu es devenu ne sont plus les mêmes que celles du jeune adulte que tu étais dans les années 90 !
Sinclair : Effectivement ! Nous avons du vécu et le propos sera plus doux. J’essaierais d’être moins autocentré et plus poétique ! Un petit côté étrange et abstrait. Musicalement, je réécoute des morceaux entamés et la suite sera la continuité logique de « So Sorry » publié en 2023. Ce disque était sombre mais trippant. A écouter au printemps, pas un vieux soir d’hiver…
Diego : Il faut voir la lumière au bout du tunnel ! Comment a changé l’industrie musicale en 30 ans ?
Sinclair : J’ai toujours voulu être indépendant. Aujourd’hui, on gagne en liberté mais on perd en argent ! On fait ce que l’on veut mais ça rapporte 10 fois moins… le but n’est pas « que » de gagner de l’argent mais il faut trouver de nouvelles ressources. J’ai édité mon dernier album à 800 exemplaires vinyles… c’est peu mais c’est beau.
Diego : Et tu as la chance d’avoir de « vieilles chansons » qui sont dans le coeur des gens. C’est plus difficile pour les débutants des années 2020 !
Sinclair : Tu m’étonnes. On imagine grand mais il faut voir petit. La musique est devenu un produit de consommation ultra rapide.
Diego : Dans ta carrière, as-tu eu l’occasion de rencontrer tes idoles Prince et Stevie Wonder ?
Sinclair : Non jamais. Cela ne me dérange pas. J’ai le plaisir de les écouter mais n’ai pas l’envie ni le besoin de les rencontrer. J’aurais aimé les côtoyer en studio évidemment mais cela reste un pur fantasme.
Diego : D’ailleurs, n’as-tu pas un souvenir particulier à nous raconter en studio avec ton père lorsque tu étais jeune ?
Sinclair : J’en ai plein mais ce qui me faisait tripper dans ma jeunesse c’était d’envoyer la réverbération sonore sur la console du studio ! J’aimais appuyer sur les boutons et je ne faisais pas attention aux artistes qui entouraient le travail de mon père.
Diego : Avec tes musiciens, avez-vous un rituel avant de monter sur scène ?
Sinclair : Non. Nous sommes concentrés ensemble, nous rigolons. Nous sommes vieux et avons dépassé ce stade là ! (rires)
Diego : Pour finir, quels sont les plus beaux concerts que tu as vécus en tant que spectateur ?
Sinclair : Evidemment Prince ! A Bercy en 1988 alors que j’avais 18 ans. Sinon D’ Angelo au Grand Rex de Paris en juillet 2000, c’était énorme. Dans un autre genre, j’ai beaucoup aimé Harry Connick Junior et Billy Joël que j’ai vu dans ma jeunesse.
Diego : Merci et à bientôt !
Sinclair : Salut !

- Remerciements : Bruno Labati
- Photos : Guillaume Delmas / Benoit Millot
- Relecture : Jacky G.