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MARCUS MILLER – PALMER CENON – #LIVE REPORT@FRANCK HERCENT

Marcus Miller = mc2

« Pourquoi jouer tant de notes alors qu’il suffit de jouer les meilleures ? » nous enseignait Miles. On le sait, la musique bat la mesure de la vie – et de l’Histoire. Il en est de même des notes de Marcus Miller. Elles rythment l’histoire du jazz et les partitions de nos vies. On le sait depuis Victor Hugo et son fameux poème « les mages » : ces splendides histrions arrivent, une plume d’ange à la main, pour inventer de nouvelles phrases et trouver « la note humaine ». Mélodie des profondeurs… !

Loin des passions tristes, les concerts de Marcus ont les vertus thérapeutiques des minutes incandescentes et salvatrices. Médecin, sorcier, voyant, chaman… Le temps s’arrête. Pour repartir plus haut, plus fort, plus loin. Ailleurs. Une heure vaut mille heures ! Chaque rendez-vous est un moment où chacun dépose les armes et les âmes pour voyager dans le temps et dans le tempo. Temps relatif ; portail temporel. On connaît la formule : « C’est par où ? C’est par l’art ! ».

tiwayo

Ce soir, c’était au Rocher de Palmer, après un triomphe parisien dans la mythique salle Pleyel et avant la suite de sa tournée internationale annonçant son nouvel album « Laid Black » prévu pour juin. Après une première partie remarquable de Tiwayo, qui n’a pas fini de faire parler de lui, venu présenter son premier album sorti aussi chez Blue Note (saluons l’exploit et le courage de jouer seul avant le tonnerre de riffs tant attendu), ce fut une sorte de « Blues » comme pour revenir en un temps primordial avant de décoller sur un masterpiece de la Motown, « Papa Was a Rollin’ Stone », jamais ni tout à fait le même ni tout à fait un autre. C’est ça le jazz.

Un aparte. Peut-être même une porte d’entrée (cosmique) : Miles, trompettiste, un jour, donna un conseil, le discours de la méthode, qui sonna à l’oreille de Marcus comme une évidence. A mettre en oeuvre. « La basse est irremplaçable mais ne peut compter que sur elle seule. Paradoxe : elle doit jouer à la fois les fondamentales et en même temps improviser le solo ». Ce morceau, « Papa Was a Rollin’ Stone », repris et transfiguré par Marcus Miller, en est à chaque fois un exemple patent, comme un tableau cubiste à mille facettes. Jazz in excelsis. Remarquable également le solo d’Alex Bailey tout en decrescendo jusqu’au silence, en duo, sous le regard du MC Marcus (cela va sans dire mais pas sans ouïr) pour repartir en apothéose. Musique des sphères. Et c’est la mer, la mer toujours recommencée.

La suite du concert fut ainsi : en surprises rythmiques, en citations, en voyages stylistiques. Alex Han au sax alto, Russel Gunn à la trompette, Alex Bailey à la batterie et Brett Williams aux claviers répliquèrent tour à tour sur « Detroit », « I love you Porgy », « Trip trap », « Sublimity », « Amandla ». Marcus Miller, en bon ambassadeur de la musique afro et de son free qui foudroie,

Décocha des rythmes

Comme une mitraillette

Comme on écrit des rimes

Oui, c’est un vrai poète !

*

Chaque fois que je pense à lui

Je lui tire mon chapeau !

Et je pense à Valery

En disant : « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est le tempo ! »

Marcus, lui aussi, tira le sien pour faire un hommage poignant, avec « Preacher’s kid », à son père qui renonça à sa vie de musicien pour construire une famille… Un fils qui maintenant rassemble, relie et transcende l’existence en musique… « Les musiciens sont les premiers que l’on envoie pour créer de la cohésion » disait-t-il en substance quelques heures auparavant lors du tournage de mon documentaire « Free ». Puis, ce fut « Tutu » – qu’on ne présente plus. Les Mains de Marcus nous ramènent aux Mânes de Miles et des ancêtres avant le « Blast » final. L’éclate. L’explosion. L’onde de choc. Le souffle.

Energie + virtuosité = mc2

Certains psychologues parlent de « l’effet Mozart ». D’autres vous soutiendront mordicus qu’il n’existe pas. Autant d’hommes, autant d’avis. Moi, j’ai fait le mien… Et chacun pourra parfaire le sien en écoutant avec profit les albums suivants : « a night in Monte-Carlo », « Tutu revisited« , « Tales», « The sun don’t lie », « Afrodeezia », «M2 » , « Free » et bien d’autres qui lui tombent de la manche.

Hein, quoi ? ! Marcus Miller ?!!??!

C’est Jean-Pierre, Tutu, Blast !

Nougayork, B’s river…

C’est le Boss de la Basse !

C’est à chacun ; c’est pour chacun. Il n’y a qu’à tendre l’oreille. Ou, pour le dire avec les notes de Nietzsche : « Tout ce qui a un prix n’a pas de valeur ».

Franck Hercent

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