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INTERVIEW #219 – LESCOP @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW 219 : LESCOP

A 45 ans, Mathieu est un auteur-compositeur-interprète qui a publié quelques albums avec les collectifs Asyl et Serpent puis trois sous son nom de scène Lescop. Le dernier en date « Rêve Parti » sorti le 2 février 2024 rappelle les meilleurs moments des années new wave, a été réalisé par Thibault Frisoni (Bertrand Belin) et mixé par Ash Workman (Christine & The Queens). Lors d’un récent passage au théâtre Barbey de Bordeaux, notre chroniqueur Diego a rencontré l’artiste. Les photos sont d’Alexia @troubleshooteur pour Musiques En Live.

Diego : En 2020 et 2022 tu as publié deux albums avec Serpent. Quel bilan fais-tu de cette période ?

Mathieu Lescop : Comme dirait Georges Marchais, un bilan globalement positif ! Initialement, ce projet a vu le jour pour se marrer et nous avons été payés pour ça, ce que nous avons plutôt réussi. Sans ambition particulière, cela m’a fait beaucoup de bien.

Diego : Après le funk Anglophone de Serpent, tu es revenu à la pop-new wave de Lescop !

Mathieu Lescop : Complètement. Après m’être approprié des travaux de groupe durant sept années, j’ai fait une pause et ai eu besoin de renouveau avec le sentiment d’une fin de cycle en 2016 suite à l’album « Echo ». On m’a vu au théâtre, au cinéma et j’ai composé pour les autres. Serpent était un projet Anglophone afin de séparer les différentes thématiques.

Diego : Pour « Rêve Parti » tu as changé d’entourage musical ?

Mathieu Lescop : La collaboration avec mon équipe précédente était finie car les directions prises par les différents protagonistes ne m’intéressaient pas. J’ai besoin de ma liberté artistique et de ma liberté d’expression, en aucun cas des gens extérieurs doivent intervenir. C’est à l’encontre de mes principes en tant qu’artiste et être humain. La liberté collective se fait par une somme d’individus et c’est le plus important à mes yeux.

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Diego : Les quinquagénaires se reconnaissent dans la sonorité de ton dernier album qui fait très 80’s. Comment prépares-tu les titres ?

Mathieu Lescop : Je prépare tous les morceaux à la guitare même s’il n’ y en a pas dans le dernier disque. Je n’y connais rien en synthétiseur et mes collaborateurs adaptent mes plans de guitare pour cet instrument. C’est marrant car je viens du rock et mon style musical s’adapte facilement à l’électronique. J’aime la sonorité électro autour de mes mots, ça fonctionne bien.

Diego : Un titre de Lescop c’est un texte que tu enrobes de musique ?

Mathieu Lescop : C’est ça. J’habille mélodiquement mes textes puis les arrange, anciennement avec Johnny Hostile et plus récemment avec Thibault Frisoni.

Diego : « Elle » dans ton dernier album est-elle une femme fatale ?

Mathieu Lescop : Elle est libre et c’est un personnage qui me ressemble beaucoup. « Elle » c’est moi ! Cette fille ne veut pas qu’on lui explique comment elle doit penser ni comment ça marche. Elle n’appartient à personne et n’est pas concernée par les lois. Je le ressens et les lois des autres ne me concernent pas.

Diego : Plusieurs femmes sont dans cet album dont Izia. Comment ce duo dans « La Plupart Du Temps » est-il né ?

Mathieu Lescop : Nous nous connaissons car j’ai écrit pour ses deux derniers albums. J’aime cette personne qui représente la femme forte, guerrière et libre. J’aime son tempérament, ses prestations scéniques, c’est une pirate qui s’inscrit dans une aventure moderne de repenser l’individu.

Diego : Dans le même style que Catherine Ringer !

Mathieu Lescop : Exact ! Izia est un peu l’héritière de Catherine.

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Diego : Parlons d’un autre titre de ton dernier album, « Les Garçons ». Est-ce un masque que porte la gent masculine par fierté ?

Mathieu Lescop : Il y a de ça. Les garçons portent des oripeaux pour se démarquer, ce ne sont que des artifices. Cette remarque n’est pas un reproche mais une observation, « Les Garçons » parle de voyous, de gros durs et je porte un regard tendre sur ces gens-là. Derrière la façade, il y a des coeurs fragiles et cette chanson laisse entendre qu’il est préférable d’avoir les mots pour s’exprimer que les gestes. Il est inspiré d’un livre du poète Italien Pasolini qui s’appelle « Après diner nostalgique » relatant la vie d’un gars qui finit sa journée de boulot, se fait beau pour retrouver ses potes et voit des filles passer. En l’absence de mots pour les aborder, son coeur se referme aussitôt. Je pense que le langage mental est important afin de s’ouvrir aux autres pour révéler la douceur en chacun de nous.

Diego : L’écrivain, poète et réalisateur Pasolini qui fut à l’honneur récemment avec Beatrice Dalle et Virginie Despentes qui nous plongent dans l’après deuxième guerre mondiale en Italie durant un spectacle musical. Les sentiments et l’amour sont tes thèmes de prédilection ?

Mathieu Lescop : Oui, les phases de ruptures affectives ont motivé certains de mes textes, pas nécessairement que des échecs amoureux. Cet album dit qu’il est préférable d’être seul que mal accompagné, à ma sauce je dirais qu’il est « préférable d’être seul et libre que entouré et enfermé ».

Diego : D’ou vient la voiture qui figure sur la pochette de ton album ?

Mathieu Lescop : La photo a été prise dans une casse proche du studio ou nous avons enregistré l’album en Angleterre.

Diego : Ton premier succès « La Forêt » en 2011 est-il un marqueur pour ta carrière ?

Mathieu Lescop : Oui, cette chanson a changé ma vie car avec Asyl le succès n’était pas au rendez-vous. Elle m’a permis de pouvoir gagner ma vie correctement pour élever mon fils.

Diego : Une naissance en 2011 et une renaissance en 2024 !

Mathieu Lescop : Oui, c’est une renaissance complètement assumée.

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Diego : Tu as récemment travaillé avec Hildebrandt. Peux-tu m’en parler ?

Mathieu Lescop : Will est un très bon ami que je connais de longue date. Comme moi, il était au bout d’un cycle et nous devions travailler ensemble depuis longtemps. Nous nous sommes perdus et trouvés ensemble pour son disque. Tant que c’est agréable, c’est le principal. Je n’ai jamais compris l’expression tentant à dire qu’il fallait sortir de sa zone de confort… comment savoir où elle est ? Ce qui compte pour moi et mon entourage professionnel est que les artistes se sentent bien.

Diego : As-tu un rituel avant de monter sur scène ?

Mathieu Lescop : Oui mais il ne faut pas le dire. Je le garde pour moi car si je te le dis, cela ne marche plus…

Diego : Pour finir quels sont tes meilleurs concerts vécus en tant que spectateur ?

Mathieu Lescop : En tournée et avec un enfant, j’avoue ne pas avoir énormément le temps mais j’ai souvenir d’un concert de Nick Cave au Trianon en 2013 qui m’a vraiment marqué.

Diego : Merci Mathieu et bonne continuation pour défendre ton album !

Mathieu Lescop : Merci à vous.

  • Remerciements : Patricia Téglia / Clémence Vicente
  • Photos : Alexia @troubleshooteur
  • Relecture : Flo R.