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INTERVIEW #194 – MANU KATCHÉ @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW MANU KATCHÉ PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

C’est presque un moment unique de croiser Manu Katché pour une interview… en lui serrant la main, j’ai eu le sentiment éphémère de saluer Michel Jonasz, Peter Gabriel, Francis Cabrel, Jean-Jacques Goldman, Manu Dibango, Miles Davis, Sting, Mark Knopfler, Youssou N’Dour et une multitude d’artistes en une fraction de seconde.

Outre ses nombreuses collaborations, l’un des plus grands batteurs mondiaux publie régulièrement des albums depuis 1991. Lors de son dernier passage à Bordeaux pour promouvoir « The Scope », j’ai eu la chance de le rencontrer à l’auditorium où l’accueil fut sublime. Pour les fans, sachez que Manu sera de retour à l’Arkea Arena de Bordeaux le 15 juin avec un certain Peter Gabriel…

DIEGO : A quoi doit s’attendre le spectateur qui vient voir la tournée « The Scope » reportée à cause de la Covid ?

MANU : Malheureusement il a fallu repousser ou annuler un grand nombre de dates à cause de la pandémie. Nous avons joué à l’été 2021 et actuellement c’est la fin de la tournée car je repars sur d’autres projets et j’envisage rapidement un prochain album. Il est écrit mais pas encore enregistré. J’aime l’idée de recommencer et de proposer une nouvelle ambiance musicale. En 2024, je reviendrai sous mon nom avec de nouvelles chansons.

DIEGO : Comme l’un de tes titres, « Paris » te manque autant ?

MANU : C’est une collaboration avec Jazzy Bazz que j’explique sur scène. Il y a quelques dizaines d’années, il était très agréable de circuler et déambuler dans la capitale, sans travaux ni incivilités. Les embouteillages étaient supportables et les bistrots pratiquaient des prix abordables. Paris était romantique et propre. Aujourd’hui c’est devenue une mégapole agressive et sale. Jazzy a 26 ans et n’a pas connu ce Paris là. Néanmoins il ressent le laisser-aller latent qui ne s’applique pas à toutes les grandes villes mondiales. Je suis fan de Paris mais suis déçu par son état actuel.

DIEGO : Effectivement, nous sommes loin de la « City Of Lights » chantée par U2 ! Et la collaboration sur « Vice » avec Faada Freedy, comment est-elle née ?

MANU : J’étais en tournée avec Youssou N’Dour au Sénégal avec AMNESTY INTERNATIONAL pour l’inauguration du stade bâti en l’honneur de Nelson Mandela. Youssou me l’a présenté dans sa boite de nuit et cette rencontre est restée dans un coin de ma tête. Une quinzaine d’années plus tard, j’avais besoin d’un chanteur pour ce mélange guitares/Afrique et ai pensé à Faada pour le texte. Les références sont Africaines mais le titre n’est pas politique. Il  parle d’oppression contre les Afro-Américains. J’ai connu ces difficultés aux Etats-Unis dans ma jeunesse et j’ai le sentiment que cela n’a pas changé. Loin de moi le côté vindicatif, Faada était le porte-parole idéal grâce à sa poésie.

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DIEGO : En parlant d’AMNESTY INTERNATIONAL, étais-tu dans la tournée qui était passée par Bercy en 1998 avec Springsteen, Peter Gabriel, Page & Plant, Youssou N’Dour  et Radiohead (entre autres) ?

MANU : Absolument. On y était…

DIEGO : Quelle classe ! Tu en as tellement fait… j’ai le DVD qui est sublime.

MANU : C’était la fin d’AMNESTY et ce concert en France avait été ajouté au dernier moment. Il y a eu deux tournées à 10 ans d’intervalle.

DIEGO : Si on doit définir Manu Katché, es-tu un batteur, arrangeur, compositeur, animateur, interprète… ?

MANU : Simplement un artiste.

DIEGO : Tous les artistes n’ont pas ta polyvalence ! Sans vouloir offenser les autres 😉

MANU : Je suis curieux et éclectique. D’ailleurs mon deuxième bouquin sortira en novembre. Je mets du temps pour écrire. Par contre, concernant la production d’albums, j’ai des affinités avec Michel Jonasz depuis 40 ans qui me permettent de le faire. Ce n’est pas mon métier de coeur mais je pense avoir une expérience suffisante pour produire entre amis. Lorsque j’écris des chansons, je pense souvent à tel ou tel chanteur. Je suis un passionné, comme j’ai été très investi dans la TV. One Shot Note était une superbe expérience de 4 années. Je rencontre et j’apprends, la passion t’ouvre toutes les portes dès lors que le sujet concerne la musique. Par contre si je ne connais, je m’entoure des gens compétents en la matière.

DIEGO : Ton révélateur musical est-il le premier album que tu as fait avec Michel Jonasz au début des années 80 ou « So » avec Peter Gabriel en 1987 ?

MANU : La rencontre avec Michel fut un gros déclic. A l’époque je jouais dans les petits clubs de jazz et Michel cherchait un groupe plutôt que des musiciens individuels. Il souhaitait une osmose, notamment en studio. Il fallait être concerné par le projet et pas un musicien lambda de passage. Sa vision musicale m’a permis de bosser avec Souchon, Voulzy et Cabrel qui n’étaient pas encore extrêmement commercial. J’avais choisi une direction, comme un déclic vis à vis de la musique en France. Lorsque j’ai rencontré Peter en 1987, le rayonnement est devenu international.

DIEGO : T’avais pas joué avec Goldman aussi ?

MANU : Oui j’ai enregistré l’album « Positif » avec Jean Jacques sorti en 1984. J’ai commencé le début de sa tournée mais nous ne nous sommes pas entendus pour la suite.

DIEGO : En parlant de concerts, l’acoustique de l’Arkea Arena de Bordeaux est-elle aussi bonne pour les artistes que pour le public ? Je sais que tu as déjà joué avec Michel Jonasz et que tu reviens en juin avec Peter Gabriel !

MANU : Oui ça fonctionne très bien.

DIEGO : Je t’ai vu avec Peter Gabriel à Bercy et préfère nettement vous revoir à Bordeaux !

MANU : Je pense que cela devrait être bien… les répétitions commencent début mai.

DIEGO : Y’a t’il des collaborations que tu regrettes de ne pas avoir effectuées ?

MANU : Oui, Miles Davis ! Je l’ai rencontré en 1988 lors de la première tournée mondiale AMNESTY INTERNATIONAL et le dernier spectacle était au Giant Stadium dans le New Jersey avec plein d’artistes de l’époque. Il s’agit d’un stade de baseball gigantesque et nous avions des voiturettes pour retourner de la scène aux loges. Nous finissons notre prestation avec Peter Gabriel, direction les loges et je croise Miles en bas de celles-ci. Je le regarde avec toute la passion du mélomane envers un autre musicien, il me fixe droit dans les yeux et me dit : « Hé, You Sounds Great ! » J’étais gêné et ne savais pas quoi dire… Il se met à hurler : « Waaaahhh ! » Je me retourne et il y avait Mohamed Ali derrière moi ! Une double rencontre incroyable ! Je sais qu’il a été interviewé peu de temps après par « Rariety » un magazine Américain et qu’il a mentionné avoir rencontré un petit batteur Franco-Africain qui jouait avec Peter Gabriel… c’est un vrai regret de n’avoir pas joué avec Miles Davis.

Également James Taylor qui m’avait contacté. Toute l’équipe était Américaine et il fallait me défrayer un mois d’hôtel pour les répétitions. La production a préféré prendre un batteur local. Pour finir, John Mayer car j’avais été recommandé par Pino Palladino qui est comme un frère. Comme pour le cas précédent, ils ont préféré prendre un batteur Américain. Je garde espoir car une collaboration est encore possible avec John Mayer.

DIEGO : J’ai souvenir d’avoir lu dans ton autobiographie que tu avais été ému de jouer avec Stevie Wonder ?

MANU : Oui j’ai joué deux fois avec Stevie Wonder que je considère comme le « patron » de la soul/rythm and blues music. C’est un musicien incroyable. Je jouais avec Sting et nous avons interprété « Brand New Day », j’ai volontairement mis le retour à fond dans mes oreilles de son harmonica ! Ensuite je l’ai retrouvé pour un album de Gloria Estefan à Miami, nous nous sommes croisés durant une séance de répétitions et j’étais comme un gamin. Un charisme unique.

DIEGO : Un autre de tes talents sur Yahoo, « La Face Katché » ! Un regard différent sur la diversité ?

MANU : Je n’aime pas le terme « intégration » mais il faut reconnaitre qu’en France, on a un problème à poser un regard dessus. Je pense qu’il faut expliquer cette différence et les personnes réticentes ont probablement besoin d’explications. Quelles que soient nos origines, nous avons tous eu des enfances compliquées. Outre la race, il y a aussi le dénigrement physique, les gros, les petits, les moins beaux… Je pense que la culture étrangère est mal perçue en France et des palabres agressifs ne résolvent rien. Dans « La Face Katché », je reçois des gens reconnus du grand public et le but est de parler de leur enfance mais pas de leur réussite. Joey Starr, Mohamed Bouhafsi, Marie-Jo Pérec, Claudia Tagbo, Yannick Noah… le regard des autres sur ces gens-là est terrible. N’étant pas journaliste et connaissant bien le sujet, la liberté de parole est totale. Cette émission permet de révéler une certaine stigmatisation de l’étranger dans son enfance. Ces rencontres révèlent les fêlures de l’entourage souvent familial.

DIEGO : D’ailleurs ces personnes retournent la situation et en font une force ?

MANU : Exact. Comme Michel Boujenah qui m’a raconté ses grosses fêlures de jeunesse devenues une force. Tous m’ont dit, je vais en faire plus pour démontrer qui je suis. La finalité est de prouver qu’ils sont aussi bons voire meilleurs que les autres. Noah était surnommé « Bamboula » à l’âge de 12 ans, cela ne doit pas être facile ! En parler, c’est très positif. Le public redécouvre les artistes sous un aspect différent. Je n’ai pas vocation à changer les choses, simplement à éveiller les consciences.

DIEGO : Revenons sur la musique, as-tu un rituel avant les concerts ?

MANU : Non aucun. Je reste tranquille, en silence.

DIEGO : Pour finir, quels sont les meilleurs concerts que tu as vus ?

MANU : La première fois que j’ai vu Stevie Wonder à Bercy au début des années 80. Également le « Farewell Tour » des Doobie Brothers en 1982 à l’amphithéâtre de Los Angeles. Je suis fan de Michael McDonald avec qui j’ai collaboré sur un album. Je suis dingue de musiques Californiennes.

DIEGO : Merci Manu et bonnes répétitions avec Peter Gabriel ! J’espère te croiser le 15 juin à Arkea Arena !

MANU : A bientôt !

  • Remerciements : Sébastien Belloir / Etienne Dorey
  • Photos : Arno Lam après accord de l’artiste
  • Relecture : Jacky G.