ARKEA ARENA ITW MeL 2023

INTERVIEW #209 – DAVID MOISON (ARKEA ARENA)@ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW 209 : DAVID MOISON (ARKEA ARENA)

L’Arkea Arena de Floirac est un des plus beaux lieux de spectacle d’Europe. Depuis son ouverture officielle le 24 janvier 2018 avec un fantastique concert de Depeche Mode, Musiques En Live a créé un lien particulier avec le staff d’une salle qui peut accueillir entre 2500 et 11 300 spectateurs sur divers types de manifestation.

Après Marie-Philippine Perrin et Jonathan Potiez, notre chroniqueur a rencontré le très sympathique David Moison, directeur d’une salle où se précipitent désormais les stars internationales. 

Diego : Merci de nous recevoir dans les locaux d’Arkea Arena, quelle est ta formation ?

David : Ma carrière musicale est très limitée ! J’ai fait un peu de trompette dans ma jeunesse contrairement à ma femme qui a été au conservatoire… (rires)

Plus sérieusement, professionnellement j’étais dans une école de commerce avec pour objectif premier l’international car j’étais bon en langues Anglaise et Allemande. J’ai répondu à une offre d’emploi pour bosser au stade de France en tant que commercial pour les comités d’entreprise dans le but de développer la vente à l’étranger. Souvent pour le rugby et parfois pour les concerts. Au départ intérimaire, puis en CDD et enfin en CDI, j’ai évolué au sein de l’entreprise Vinci qui dirige également le Matmut de Bordeaux, l’Allianz Riviera de Nice et le stade du Mans.

Par la suite, j’ai bifurqué sur le parcours des spectateurs comme la dématérialisation des places, les VIP et les contrôles d’accès à la billetterie. A l’été 2017, le groupe Lagardère m’a recruté dans ce domaine pour gérer Arkéa Arena de Floirac qui s’appelait la Bordeaux Métropole Arena ainsi que la salle d’Aix en Provence qui a ouvert à la même période. Marie-Philippine est repartie sur Paris et bosse avec la boite de production qui gère Mathieu Chedid, Jean-Louis Aubert et Hoshi (entre autres) pour développer les artistes, connus ou non. J’ai eu l’opportunité de reprendre la direction de l’Arena à ce moment-là.

Diego : J’imagine que développer et ouvrir ce type de salle doit être une satisfaction incroyable et un moment unique !

David : C’est beaucoup de travail ! Les trois mois avant l’ouverture sont une expérience extraordinaire que je souhaite à tous. Nous ne comptions pas nos heures et l’inauguration avec Depeche Mode est une émotion qui concrétise toutes ces semaines de labeur. Nous avions anticipé tous les problèmes possibles et inimaginables !

Diego : Et si le groupe Depeche Mode avait décliné l’offre, qui était sur les starting-blocks ?

David : Malheureusement je ne peux pas répondre à cette question car c’est Marie-Philippine qui gérait à l’époque !

Diego : En novembre 2023 date de cet entretien, combien de personnes diriges-tu ?

David : Actuellement nous sommes 20 permanents. Certains postes sont salariés sur l’Arkea Arena de Bordeaux mais peuvent avoir des missions sur d’autres salles gérées par notre groupe. Nous n’étions que 10 à l’ouverture et nous avons internalisé l’activité en incluant la buvette et la restauration. Beaucoup de zéniths en France tournent à moins de 10 salariés mais la spécificité d’Arkea Arena est que nous avons 2 personnes au marketing, 2 personnes en billetterie (ce qui n’existe pas ailleurs) et 3/4 personnes au service commercial. Ces derniers recherchent les partenariats et la vente d’évènements hors concerts. Pour info, nous avons une quarantaine d’évènements privés annuels.  La modularité de la salle permet d’accueillir 50 managers d’une entreprise comme 7000 personnes en convention. Nous avons développé pas mal d’activités différentes sachant qu’actuellement je travaille sur les plannings 2025 / 2026 concernant les réservations.

Diego : Quel est le processus pour qu’un artiste se produise à Arkea Arena ? C’est la production qui démarche la salle ou l’inverse ?

David : Ça dépend. Une grande majorité des cas est une sollicitation des productions. L’avantage d’être à Bordeaux comme Nantes ou Lille est qu’un artiste Français passera forcément chez nous. Le principal souci d’un chanteur Français sera de trouver une date qui corresponde avec les autres étapes de sa tournée et généralement des concerts vers Pau, Toulouse et Montpellier dans un délai proche. C’est un gros travail car beaucoup de productions préfèrent les vendredi et samedi et nous avons plus d’un an d’avance sur nos dates, annoncées ou non. 

Par contre pour un artiste international, il faut convaincre les productions que Bordeaux est une étape importante. Il faut être les meilleurs, pas seulement d’un point de vue commercial, et le bouche-à-oreille fonctionne énormément. Je suis très à cheval à ce sujet avec mes équipes, tous les corps de métier sont importants et donnent envie à un artiste et son équipe de venir et revenir à Arkea Arena. De plus, il y a un travail important en billetterie, sur les réseaux, sur les tarifs, les équipes en salle, la technique… dans tous les cas les artistes internationaux passent à Paris, notre boulot est que la deuxième date Française soit dans nos murs. Dans notre jargon, nous appelons ça les « Paris +1 », c’est à dire la date après la capitale doit être Bordeaux. Une nouvelle salle vient d’ouvrir à Lyon, la LDLC Arena et elle va nous apporter une certaine concurrence.

Diego : Une salle qui servira probablement au basket pour l’ASVEL avec ses avantages et ses inconvénients de calendrier ! Après Arkea Arena ne peut pas rester éternellement la dernière salle ouverte !

David : Exactement. Raison pour laquelle nous devons rester dans les « Paris +1 ou Paris +2 ». D’ailleurs pour The Weeknd j’avais réussi à le faire venir chez nous, malheureusement le Covid en a décidé autrement… c’était un gros challenge. Une artiste comme Björk qui passe fait partie de ces artistes qui ne font que 3 ou 4 dates en France. Comme Peter Gabriel avant l’été.

Diego : 2 concerts que j’ai eu la chance de voir ! Est-ce que le directeur de l’Arkea Arena accueille physiquement les artistes qui jouent ?

David : De temps en temps mais c’est assez rare. Ceux-ci aiment rester dans leur bulle avant une prestation et nous ne sommes plus à l’époque de Bruno Coquatrix… Evidemment lorsqu’un artiste souhaite me saluer je reste disponible. C’est également une consigne à laquelle je tiens avec mes employés, nous ne sommes pas des groupies et notre job est que tout le monde passe une bonne soirée, public et professionnels.

Récemment pour Orelsan mes collaborateurs et moi-même avions organisé des petits cadeaux pour lui car il était le premier à avoir franchi la barre des 50 000 spectateurs à Arkea Arena (en plusieurs concerts). Parfois, on offre une bonne bouteille de vin local pour promouvoir la région.

Diego : J’ai cru comprendre que tu aimerais recevoir un jour Coldplay ! Dans cette éventualité, un tour en backstage est obligatoire !

David : Je vois que tu es bien renseigné ! Pour les concerts internationaux, la zone production est réservée et même le directeur n’y a pas accès ! Sauf autorisation spéciale, nous sommes rarement sollicités par les artistes étrangers.

Diego : Est-ce que le « noir-salle » est le moment le plus important du spectacle ? Personnellement, j’ai toujours frissonné lors du top-départ.

David : Si jamais cela ne s’éteint pas, nous avons des solutions annexes ! En rapport avec mon parcours professionnel, j’aime l’arrivée du public. Sera t’il là ? Les spectateurs seront-ils à l’heure ? Les concerts du vendredi soir l’hiver lorsqu’il pleut sont différents en terme d’arrivée sur site que ceux du mardi au mois de juin. Je n’aime pas commencer les shows en retard et malheureusement nous sommes dépendants de la rocade Bordelaise. Le noir-salle est une grande émotion mais ce n’est en aucun cas une crainte.

Diego : Pour l’instant aucune frayeur particulière ?

David : Non. Peut-être sur Massive Attack avec une très grosse jauge et avec un public de SMAC. A 30 minutes du concert, seulement 2000 personnes étaient présentes alors que l’Arkea Arena était prévue quasiment pleine. Nous avons anticipé l’arrivée massive des spectateurs au dernier moment afin de désengorger rapidement l’entrée en renforçant les effectifs de fouille et de billetterie.

Diego : Un grand moment aussi Massive Attack malgré le peu d’échanges avec le public ! Même si tu ne les croises pas tous, l’artiste rencontré le plus sympa en 5 ans ?

David : Orelsan. Simple, accessible et comme on le voit dans la série dédiée sur Amazon. L’adolescent qui n’a pas grandi, comme moi !

Diego : Je vois de quoi tu parles, ma femme me trouve très « quinquado » ! Un état d’esprit de 20 ans dans un corps de 50…

David : Excellent ! Également Patrick Bruel qui lui aussi est très sympathique. Il a 20 ans de plus que moi mais représente une légende, parfois on ne sait pas quoi leur dire. Certains échanges restent des banalités mais les artistes savent rester accessibles.

Diego : Toujours difficile de rencontrer un artiste que l’on aime sans lui faire comprendre. Il faut savoir rester professionnel, que l’on soit directeur de salle ou journaliste !

David : Exactement, garder de la distance et bien faire le job.

Diego : Personnellement, il y a un style de spectacle que tu affectionnes ?

David : J’aime les concerts mais j’ai pris une grosse baffe avec Le Cirque Du Soleil. Le spectacle « OVO » qui est passé 6 fois est fantastique, difficile de le décrire et il faut le voir pour comprendre. Des émotions perturbantes. J’aime me promener en salle et regarder le public, que ce soit pour un comique comme Maxime Gasteuil ou pour des artistes comme Big Flo & Oli. Je regarde les réactions des gens et cela fait mon bonheur. Les familles qui dansent, qui rigolent, les selfies…

Diego : Donner du plaisir aux gens !

David : C’est notre raison d’être. Nous bossons quand les gens s’amusent mais c’est important que le public reparte avec le sourire.

Diego : A part Coldplay, qui aimerais-tu faire venir à Arkea Arena ?

David : Coldplay s’annonce difficile car ils jouent essentiellement en stades. En faisable, j’aimerais Offspring qui vient de passer à Nantes.

Diego : Radiohead qui fait régulièrement des salles pourrait venir à Bordeaux ! D’ailleurs quels sont tes meilleurs concerts vécus ?

David : J’ai adoré Coldplay au stade de France, la tournée de 2017 était géniale. Je garde également un grand souvenir du concert de Depeche Mode à Arkea Arena, parce que c’était le premier et parce que c’était ce groupe là ! Il est rare que je puisse assister à l’intégralité d’un show mais entendre et voir « Enjoy The Silence » une fois dans sa vie reste incroyable. J’aime beaucoup les artistes qui respectent leur public comme Pascal Obispo et Orelsan. Ce dernier prend une grosse prise de risque en début de concert et j’ai trouvé cela très audacieux. Côté atypique, le concert de Kassav qui a réunit 7000 personnes s’est déroulé dans une ambiance dansante incroyable… obligé de bouger !

Diego : Des artistes viennent en résidence à l’Arkea Arena ?

David : Oui. Nous avons eu Stromae qui est resté une semaine pour préparer sa tournée. Cela permet un lien particulier entre les équipes de production et notre staff qui n’ont pas le temps de se connaitre lors d’un passage classique d’un soir en représentation. Les producteurs se déplacent dès que possible. Nous avons accueilli Angèle, Mathieu Chedid et Florent Pagny. Les conditions de travail sont idéales et notre modernité joue en notre faveur. Le fait d’être à Bordeaux est également sympathique, la proximité en train de Paris aussi. Généralement les résidences se font à moins d’une heure de Paris comme au zénith d’Amiens car les artistes et les producteurs aiment la proximité avec la capitale. Nous avons environ 3 ou 4 résidences par an.

Diego : Récemment le groupe Euterpe a été racheté par Lagardère, c’est une très bonne nouvelle pour les spectateurs de mon point de vue !

David : Je le pense. Euterpe reste une des références Françaises en terme de promotion locale tout comme Label LN dans l’est et Adam Concerts dans le sud-est. Euterpe Promotion est une machine puissante composée de gens compétents avec une expérience reconnue. Notre responsable Jerome a justement évalué le pari sur l’avenir en s’appuyant sur les promoteurs locaux sans négliger l’aspect écologique. Le bilan carbone est une problématique qui nous tient à coeur. Par ailleurs, l’entreprise fondée par Michel Goudard mérite d’être pérennisée et de continuer son évolution. Son importance dans le milieu du spectacle est indéniable.

Diego : Pour finir, à part Coldplay pour toi et Radiohead pour moi, que peut-on souhaiter à Arkea Arena ? (rires)

David : De rester sur cette voie ! Je pense que nous sommes une salle majeure en France et nous continuons perpétuellement à réfléchir aux évolutions possibles. Tous les ans des travaux sont réalisés pour améliorer ce lieu de rencontres, d’échanges et de plaisir. L’effet nouveauté est terminé pour Arkea Arena et le challenge est de perdurer.

Diego : D’autres idées innovantes sont envisagées ?

David : Plusieurs personnes dans l’équipe sont de vrais machines à idées ! Concernant l’extérieur de la salle, le pont sera opérationnel à l’été 2024 et nous pourrons aménager un vrai parvis car la route sera le long de la Garonne. L’enjeu est de réussir à en faire une zone de vie. En 2018 lors de l’ouverture, nous étions sur un terrain vague. 6 ans plus tard, le quartier s’aménage et nous devons inscrire Arkea Arena dans ce développement. Les travaux battent leur plein et l’été prochain tout devrait être terminé. Je précise que le tramway ne passera pas sur le pont mais les navettes-bus spécifiques seront toujours opérationnelles.

Notre but : que les spectateurs aient un effet « bien-être » avant d’entrer dans la salle et que l’expérience commence avant d’avoir passé les portiques. L’accueil sera d’autant plus appréciable.

Diego : Un concert c’est dans une salle, pas dans un stade !

David : C’est vrai. D’autant plus lorsque la salle a été construite pour ce type d’évènements ! Nous sommes « une salle de concerts pour les concerts » contrairement à d’autres lieux qui sont omnisports. Cela n’empêche pas d’organiser des rencontres sportives mais ce n’est pas l’essence initiale d’Arkea Arena.

Diego : D’ailleurs vous pouvez même organiser des concerts en version « club » ?

David : Oui, c’est l’une de mes créations car j’avais du « temps à tuer » pendant la période Covid. J’ai réfléchi à la possibilité d’accueillir des groupes un peu différents qui ont des jauges à moins de 3000 personnes comme Deluxe. Bordeaux dispose de beaucoup de SMAC entre 1000 et 1500 places et je me suis inspiré de la jauge « rock » du zénith de Nantes pour l’appliquer chez nous. Les frais sont diminués car il y a moins de ménage, moins de fluides consommés, moins de sécurité et pas de placeurs en gradins. Au final, la salle est hermétique avec des rideaux spécifiques et les spectateurs auront l’impression d’être en club, comme avec Matmatah le 8 décembre. La jauge a la vocation d’être « entrée de gamme » avec une possibilité d’augmenter le nombre de spectateurs à la demande si le succès est au rendez-vous. On a eu le cas avec Dub Inc et Naâman en novembre 2022 où nous avons pu reculer la scène et finir avec une jauge max en fosse, a savoir 5400 personnes au lieu des 2500 initialement prévues. Le tout sans ouvrir les gradins et en restant en format intimiste.

Diego : Une belle modularité !

David : Oui, avec tous les rideaux nous avons une vingtaine de jauges différentes possibles.

Diego : Super. Avec beaucoup de chauvinisme, nous avons la plus belle salle de France ! Merci David pour cette interview et rendez-vous à tous les spectateurs au 48-50 avenue Jean Alfonséa à Floirac pour assister à un futur évènement. Belle fin d’année à toute l’équipe.

David : Merci à toi et à bientôt.

  • Remerciements : Jon / David pour la disponibilité
  • Relecture : Jacky G.