INTERVIEW ALAIN CHAMFORT @ DIEGO ON THE ROCKS
INTERVIEW #236 : ALAIN CHAMFORT
En mars 2024 est sorti l’ultime et 16ème album studio d’Alain Chamfort baptisé « L’Impermanence ». L’auteur de « Manureva » et « Géant » a 75 ans et sera en concert le 16 novembre prochain au Rocher de Palmer.
Il a accepté de répondre aux questions de Diego pour Musiques En Live et nous remercions la société d’organisation de spectacles et concerts 4ème Sens.
Diego : Cet ultime album fait ressentir la fin d’une période mais également un retour aux sources. A vos débuts dans les années 70, les 45 tours comprenaient 2 ou 4 chansons, l’ancêtre de nos EP actuels !
Alain Chamfort : Je ne sais pas si les EP sont un retour dans les 70’s pour rappeler les 45 tours mais je trouve interessant de clore le chapitre des albums qui développent souvent des thématiques uniques sans souci de cohérence. « L’Impermanence » n’est pas un bilan mais un dernier disque « Long Play » pour finir un parcours qui me représente, ne pas faire l’album de trop dans l’avenir ! Les formats actuels sont plus rapides et moins engageants financièrement, ils permettent de varier les plans artistiques et d’alléger les responsabilités de chacun.
Diego : D’ailleurs dans le titre « L’Apocalypse Heureuse » qui ouvre votre album, on a un sentiment « d’au-delà et de hauteur » dans votre registre vocal volontairement modifié par des effets synthétiques !
Alain Chamfort : Il s’agit de traitements pour obtenir une cohérence entre le texte et les éléments sonores. Cela permet une entrée atmosphérique dans ce disque.
Diego : A contrario, dans des chansons comme « Dans Mes yeux » et « Tout s’Arrange à La Fin », on retrouve le Chamfort pop des années 80 avec « un parlé-chanté » qui rappelle parfois Gainsbourg !
Alain Chamfort : C’est vrai. Avec le temps, on exprime ce que nous sommes dans toutes nos compositions. « Tout s’Arrange à La Fin » est un retour à mon répertoire classique et sans être calculé, cela apporte une cohérence à l’oeuvre discographique.
Diego : Un autre titre marquant de votre album est « Par Inadvertance ». Aurait-il été aussi doux et élégant sans la nappe de violons ?
Alain Chamfort : C’est difficile à dire. Les gens entrent-ils dans mon texte ou se lassent-ils ? L’ingénieur-producteur Julien Delfaud et moi-même avons fait le choix d’ajouter des cordes afin d’élever la musique pour partir ailleurs. Ce côté céleste était nécessaire, sur scène je la joue sans corde mais il est difficile de jauger l’efficacité de ce titre avec et sans violons.
Diego : J’imagine que vous jouez « La Grâce » qui est un texte qui exprime quelques incertitudes ?
Alain Chamfort : Evidemment mais j’ai remarqué depuis quelques temps que le public pouvait être partagé d’un titre à l’autre. Il est toujours difficile de contenter tout le monde sachant que vous allez avoir une personne qui va adorer une chanson et peut-être en détester une autre. Il y a les fidèles qui aiment tout, les critiques qui n’aiment rien (mais ne viennent probablement pas nous voir) et puis ceux qu’il faut convaincre. On peut bouleverser la vie de quelqu’un avec une seule chanson !
Diego : Je confirme et « Géant » est de celles-là ! Ceux qui viennent vous voir seront touchés par « La Grâce » ! (rires)
Alain Chamfort : Oui et ils ont une prédisposition à écouter Chamfort sinon ils ne viendraient pas ! Le public n’est jamais acquis mais rarement hostile.
Diego : Le clip de ce titre est génial incluant beaucoup d’artistes qui apparaissent pour laisser Adamo éteindre la lumière sur le plan final et donc clore les débats !
Alain Chamfort : Ce sont des connaissances musicales dont j’aime le parcours et qui ont abordé ce métier honnêtement. L’envie de propositions artistiques efficaces dans le parcours des chanteurs présents a donné le casting de ce clip. A l’issue du montage, le résultat avait dépassé nos ambitions !
Diego : Est-ce que Pierre-Dominique Burgaud est devenu votre parolier attitré depuis la période Saint Laurent en 2010 ?
Alain Chamfort : Oui. Il a écrit l’ensemble des textes de « L’Impermanence » sauf « Tout s’Arrange à la Fin » où j’ai rappelé Jacques Duvall pour finaliser. Pierre-Dominique avait du mal à s’imprégner de l’ambiance de cette chanson. J’avais envie de me « dépouiller » d’une certaine posture artistique et Pierre-Dominique a permis ce changement. Avec l’âge, il était nécessaire d’affronter les choses avec plus d’authenticité et c’est ce que permet cette collaboration.
Diego : Pour revenir aux concerts, comment est adapté l’album sur scène et qu’apporte le saxophoniste de jazz Adrien Soleiman dans la direction artistique ?
Alain Chamfort : Il a fait un casting pour la scène et a réécouté tous mes albums pour proposer un track-listing efficace. Le répertoire proposé survole les années avec des choix que je n’avais pas faits lors de mes précédentes tournées. Les fidèles pourront entendre des chansons différentes. On joue « tendus » et très en phase avec le dernier disque. Parfois Adrien nous rejoint au saxophone mais il ne nous suit pas systématiquement sur toutes les dates. L’ingénieur du son fournit une copie des prestations et il réécoute attentivement afin de donner les directives nécessaires aux musiciens, si besoin.
Concernant mon prochain concert vers Bordeaux, il est important de se renouveler et de ne pas proposer du « réchauffé » et je suis content de découvrir la scène du Rocher de Palmer que je ne connais pas contrairement au Pin Galant et au théâtre Fémina de votre région.
Diego : Allez-vous continuer à produire le spectacle « Conversation Musicale avec Alain Chamfort : le meilleur de moi-même » que vous faites avec Valli et Christophe Conte ?
Alain Chamfort : On continue ce spectacle en alternance avec « L’Impermanence » et nous sommes récemment passés à Agen et Captieux. Pour 2025, les deux tournées se juxtaposeront ici et là mais il me semble que nous devons repasser en Gironde avec Valli et Christophe.
Diego : Comment avez-vous rencontré Sébastien Tellier avec qui vous êtes en duo sur « Whisky Glace » ?
Alain Chamfort : Nous nous connaissons depuis « Le Sacre du Tympan », un orchestre mené par Fred Pallem qui avait une carte blanche à la philarmonique de Paris avec qui nous avions collaboré. Récemment, Julien Delfaud qui connait Sébastien nous a réuni pour ce duo. Nous avons fait un EP 4 titres ensemble sorti en 2024 et c’est vers ce genre de format musical que je m’oriente pour mes futures publications.
Diego : Je ne peux vous avoir en interview sans évoquer Françoise Hardy disparue le 11 juin dernier !
Alain Chamfort : Une femme qui a mené une carrière très digne avec peu de concessions et un regard très dur sur son travail. Elle a raconté son histoire personnelle d’une chanson à une autre avec les difficultés de sa relation avec Dutronc. J’adorais sa voix, son style et elle avait une classe à part. Un bel exemple pour les jeunes femmes artistes actuelles.
Diego : Avez-vous un rituel avant d’entrer sur scène ?
Alain Chamfort : On se regroupe, on se congratule et on se souhaite bonne chance pour réunir des énergies positives. Si on boit un coup, c’est après le concert !
Diego : Pour finir, quels sont vos plus beaux concerts vécus en tant que spectateur ?
Alain Chamfort : Très bonne question ! L’un des premiers des Rolling Stones à l’époque où ils étaient interdits de venir chanter en France. Vers 1975-1976 au Forest National de Bruxelles. La performance était incroyable, sexy, violente. Une époque subversive avec l’âge et l’énergie en phase de ce qu’ils chantaient ! Aujourd’hui à 80 balais, ce n’est plus la même…
Diego : Une autre époque ces années 70 !!!
Alain Chamfort : Oui complètement ! Également James Brown en 1967 et David Bowie que j’ai vu à plusieurs reprises. J’ai raté Bob Dylan et Lou Reed mais j’avoue ne pas être intéressé par les grands concerts pop démesurés. Je suis indifférent à ces grandes démonstrations technologiques. Même Paul Mc Cartney qui a un répertoire d’enfer serait plus interessant dans une salle vivable type zénith plutôt que dans des stades de 80 000 personnes.
Diego : Vous prêchez un convaincu ! Merci Alain pour cette interview et au plaisir de venir vous applaudir le 16 novembre prochain au Rocher de Palmer de Cenon !
Alain Chamfort : Merci à vous.
- Remerciements : Solène de 4ème SENS
- Photos : Officielles
- Relecture : Jacky G.