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INTERVIEW MANUSCRITE #29 – EIFFEL @ DIEGO ON THE ROCKS @ CAROLYN

INTERVIEW EIFFEL PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

Depuis 2009, EIFFEL est composé d’ESTELLE HUMEAU (basse, claviers, flute) , NICOLAS BONNIERE (guitare), NICOLAS COURRET (batterie) et ROMAIN HUMEAU (chant, guitare). Fondé autour de ce dernier en 1998, ils sortent leur 6ème album le 26 avril 2019 baptisé « Stupor Machine ». Ce groupe très sympathique a accepté de répondre aux questions de DIEGO sous l’oeil photographique de CAROLYN lors d’une rencontre au BAR LE NANSOUTY – CHEZ LUIS, situé 261 cours de la Somme à Bordeaux. Remerciements particuliers à ROSE, tenancière des lieux et à MARGAUX CHARMEL de la maison de disque PIAS FRANCE.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Ayant rencontré ROMAIN l’an passé à l’occasion de la sortie de ses albums « Mousquetaires », ma première question s’adresse à ESTELLE et aux deux NICOLAS. Qu’avez-vous fait depuis le dernier album d’EIFFEL en 2012 ?
ESTELLE HUMEAU : Rien du tout! Non, me concernant j’ai joué avec ROMAIN sur ses projets solos avec NICOLAS BONNIERE. Nous avons également monté une boite de production baptisée SEED BOMBS MUSIC pour la sortie de « Mousquetaires 2 » qui nous a pris pas mal de temps. Le premier était sorti chez PIAS et nous avons vendu un petit peu plus sur ce deuxième volume. Etant en cours de démarrage, le résultat est correct.
NICOLAS COURRET : Pour ma part, j’ai enchainé une longue tournée avec LAETITIA SHERIFF puis deux albums et les tournées respectives avec un groupe Rennais qui s’appelle DANIEL PABOEUF UNITY. Ce groupe est fondé autour de DANIEL PABOEUF, saxophoniste qui a collaboré entre autres avec MARQUIS DE SADE et ETIENNE DAHO. J’ai également monté un premier ciné-concert sur un film fantastique qui est devenu un album. Cà s’appelle « Carnival of sounds » par INVADERS. Ce premier ayant pas mal tourné, j’en ai créé un deuxième autour de la mission « Apollo XI » dans lequel NICOLAS BONNIERE nous a rejoint. Initialement c’est un duo avec DAVID EUVERTE aux claviers. L’idée est de jouer et rejouer nos live en projetant les films, nous devrions faire une date sur Bordeaux en novembre dans le cadre d’un festival d’arts et de sciences. Je fais également des musiques pour des séries d’animation. Sinon je suis également bon sur certains plats en cuisine… (rires)
NICOLAS BONNIERE : Depuis 2012, j’ai travaillé avec ROMAIN sur les « Mousquetaires» et également « Vendredi ou les limbes du pacifique » en 2015. J’ai réalisé le dernier album de MANU LANVIN et bossé avec un duo pop-electro baptisé ALMERIA.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : En 2019, il faut s’auto-produire pour sortir un disque ?
ESTELLE HUMEAU : Pas forcément mais cela permet d’être indépendant et de faire ce que l’on veut quand on le veut.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Pourquoi ce nouvel album s’appelle « Stupor machine » ?
ROMAIN HUMEAU : Initialement on voulait l’appeler « Vertigo ». On recherchait un titre court représentant l’angoisse, l’effroi avec cette spirale descendante. Nous partions tous les quatre sur cette base de travail et quelques jours plus tard un ami nous a envoyé la pochette du visuel du prochain album de MINUIT avec les enfants de CATHERINE RINGER et FRED CHICHIN. Il s’avère que c’est devenu le titre de leur album sorti fin 2018! Avec ESTELLE et NICOLAS, nous avons repensé à « Stupor Machine » qui trottait dans nos têtes. A la base, c’est le titre d’une vieille chanson d’EIFFEL de 1997 ou 1998 avant qu’on soit signé dans une maison de disque. « Stupeur » rappelant l’effroi, nous avons opté pour ce titre. Il n’est pas évident de trouver un nom qui sonne et veut dire quelque chose. Il faut que cela résonne avec ce que nous sommes.
ESTELLE HUMEAU : Il y a une continuité par rapport à nos débuts et c’est complètement dans l’esprit du prochain album.
ROMAIN HUMEAU : Les gens nous demandent s’il faut le prononcer en Anglais. Ca peut être latin ou Espagnol. J’ai tendance à penser à RON PERLMAN dans le film « Le nom de la rose ». Il y a aussi du « Bone machine » des PIXIES.
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DIEGO*ON*THE*ROCKS  : J’ai pu écouter l’album en primeur. « Chasse spleen », « Gravelines » et « N’aie rien à craindre » sont des ballades-pop alors que « Manchuriane candidate », « Cascade » ou « Pêcheur » rappellent un rock comme on l’aime. A quoi doit-on s’attendre sur scène ? Sueur, électricité ?
NICOLAS COURRET : Oui on l’espère mais pas que! L’idée est d’être très dynamique et de changer d’ambiance d’un morceau à l’autre en allant au bout de ce que l’on peut proposer, énergie pour certains morceaux et plus susurré pour d’autres.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : ROMAIN parle-moi de la chanson « Hôtel borgne » dont il faut plusieurs écoutes pour l’assimiler ?
ROMAIN HUMEAU : Utiliser l’expression « Hôtel borgne » c’est un peu la cécité d’un chanteur et de son entourage en rapport à l’avenir. Contrairement aux autres titres qui peuvent refléter une peur ou une angoisse, « Hôtel borgne » est dans le dépassement de ce contexte sans devenir débile mais avec quelques vérités qui surgiraient de ce « sans queue ni tête ». Elle comprend beaucoup de choses qui pour moi ont un sens. Néanmoins une fois passée l’angoisse, les cachetons et le delirium, on peut avoir de l’humour. C’est pour cela que je cite « Egg man » (extrait de la chanson « I am the walrus »), PASOLINI ou GOOGLE qui vient de gogol. Ce sont des références mais pas toujours de mecs lettrés. Ce sont des propositions, j’aime en glisser dans nos chansons. Cela peut-être GOLDORAK, SPIROU, les BEATLES ou l’ELYSEE. Je joue sur la métaphore, tous langages et tous lieux le permettent.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Comment nait un morceau d’EIFFEL ?
NICOLAS BONNIERE : Pour cet album, ROMAIN nous a présenté ses guitares-voix sans démos. Nous nous sommes retrouvés en février 2018 à répéter en studio et les morceaux étaient existants à l’époque de « Mousquetaires 2 ». Si c’était un tableau, on pourrait dire que tout est un peu présent lorsque ROMAIN nous propose les couleurs et nous apportons des transformations qui donnent le résultat final.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Des clips sont prévus ?
ESTELLE HUMEAU : Un premier clip va être prochainement tourné sur « Chasse spleen » fin avril. Il sera réalisé par JULIEN RAYNAUD, un chef opérateur Bordelais.
ROMAIN HUMEAU : On a un pitch qui donne l’idée du clip. Beaucoup découvre la chanson avec le clip, il faut que les images correspondent à la chanson.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : L’image reste importante en 2019 ?
NICOLAS COURRET : Elle devient presque plus importante que le reste et c’est dommage. Cela dit c’est très excitant à faire.
ESTELLE HUMEAU : Nous sommes dans un monde où l’on juge la qualité musicale au nombre de vues YouTube et c’est regrettable.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Entièrement d’accord! C’est valable pour les journalistes musicaux aussi avec les « j’aime »!
ROMAIN HUMEAU : On est d’une génération clip et c’est un objet artistique. On a connu les 80’s!
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Merde on devient vieux! ESTELLE, l’album a été enregistré où ?
ESTELLE HUMEAU : Il sort le 26 avril 2019 et a été enregistré au studio BLACKBOX à Angers par HUGO CECHOSZ qui ai l’ancien bassiste du groupe. C’est un super ingénieur-son avec qui nous nous entendons très bien. L’album a été finalisé dans notre studio maison par ROMAIN.
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DIEGO*ON*THE*ROCKS  : « A tout moment la rue peut aussi dire non » date de 2008. Cette chanson n’a jamais été autant d’actualité qu’en ce moment ?
ROMAIN HUMEAU : C’est pas nouveau! Il y a une chanson dans le nouvel opus qui s’appelle « Oui ». La rue moutonne et ne peut dire que « Oui » et contredit « A tout moment la rue ». Elle vote ce qu’on lui dit de voter! Ca sert à rien. Après la crise de 2008 nous avions fait ce constat, ce n’était pas un titre engagé. « Oui »  je l’ai écrit durant les dernières élections pour contredire le refrain « La rue peut aussi dire non! » et voilà qu’on manifeste dans les rues depuis 5 mois! On est pas raccord! Ce titre n’est absolument pas d’actualité mais met en évidence certaines inquiétudes! (rires)

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Le groupe a 21 ans. Vous êtes majeurs ou un vieux couple ?
ESTELLE HUMEAU : C’est la jeunesse totale! Cela ne s’arrêtera jamais!
NICOLAS COURRET : Cela explique pourquoi nous sommes là. Les idées sont vraisemblablement les mêmes qu’à nos débuts concernant la musique et notre jeu, même si on a terriblement vieilli, surtout ROMAIN! (rires) La lumière subsiste et c’est chouette!
ESTELLE HUMEAU : Nous sommes revenus à plein d’idées de nos débuts notamment sur le fait de jouer à 4 uniquement et à avoir un son un peu plus pop. Choeurs et arrangements ressemblent à nos débuts.
ROMAIN HUMEAU : En vieillissant j’ose espérer qu’il y a un enrichissement. Lorsque NICOLAS parle de lumière il a raison, on a eu un déclic qui subsiste. Nous sommes juste le miroir du monde qui n’est plus du tout le même que dans les 90’s. Par contre notre musique est tout sauf basique. Le rock doit être espiègle, fragile, arrogant, violent. Nous prenons des risques dans cet album au niveau des textes. Certains parleraient de catastrophisme ou poujadisme. Le fait de jouer ne veut pas dire que tu l’es! On a le droit d’être acteur. Si COLUCHE et DESPROGES étaient encore là, ils se feraient laminer!
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Pourtant ils sont terriblement d’actualité!
ROMAIN HUMEAU : Bien sur, mais tu n’aurais pas le droit de dire ce qu’ils ont dit il y a 40 ans! A l’époque il y avait une autre forme de liberté. Je préfère l’élitisme de masse au basique. Il faut s’adresser à tout le monde sans arriver puissant.

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Sauf pour ROMAIN qui m’a répondu l’an passé, quels sont vos gouts musicaux ?
ESTELLE HUMEAU : Dans ma jeunesse je n’écoutais que de la musique baroque et ancienne. C’est ce qui me passionnait. J’ai découvert avec le groupe le reste.
NICOLAS COURRET : J’ai commencé avec BRASSENS, SOUCHON et les BEATLES avec mes parents. De fil en aiguille, je suis arrivé au rock et à la batterie grace à TELEPHONE, MAGMA et POLICE. J’écoute aussi du jazz, de la musique contemporaine, Indienne, Turque, Marocaine et autres. J’écoute aussi du doom métal sans batterie! Les PIXIES aussi!
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : C’est ce qui vous réunis les PIXIES ?
EIFFEL  : Oui!!! Musique, vision, paysages…
ROMAIN HUMEAU : PIXIES, BOWIE, STOOGES, BEATLES, BREL, BARBARA, HIGELIN, BRASSENS…
NICOLAS BONNIERE : Nous écoutons beaucoup de musique et avons du récemment faire des playlists! Pour moi, THE CURE avec « Pornography » et NIRVANA.
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DIEGO*ON*THE*ROCKS  : La dernière tournée d’EIFFEL fut longue, quel est le programme à venir ?
ROMAIN HUMEAU : Nous avons une vingtaine de dates de mai à août programmées. Nous allons jouer en Belgique et en Suisse. A la rentrée, une tournée des clubs avec un passage à Paris à la Cigale est prévu. Les temps sont durs pour le live! Hormis les numéros 1 des top 50 qui prennent d’énormes cachets indécents… Pour être franc, les temps sont difficiles et le passé est derrière nous. Actuellement c’est compliqué pour tout le monde.
DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Et les artistes ne vendent plus de disque! Il faut tourner un maximum!
ROMAIN HUMEAU : Même tourner est difficile!
NICOLAS COURRET : Les affiches des festivals sont réduites. Les gros prennent des cachets énormes et il n’y a plus d’argent pour les autres. Les salles ferment et la diversité culturelle en prend un coup, comme pour la flore et la faune!
ROMAIN HUMEAU : Le résultat tu l’as 10 ou 15 ans plus tard et ça va être chaud dans notre profession! On vit sur les back catalogues qui font parler nos générations. Pour jouer il faut enregistrer un disque… On te prend quand tu cartonnes mais dès que tu cartonnes moins il n’y a plus personne… la culture doit se renouveler. Maintenant c’est des one-shot!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Dernière question, un message pour les ahuris ? (nom donné aux fans d’EIFFEL!)
ESTELLE HUMEAU : On vous attend!
NICOLAS COURRET : Achetez des disques! Allez aux concerts!

DIEGO*ON*THE*ROCKS  : Merci EIFFEL, longue vie à « Stupor Machine » et beaucoup de concerts à venir…
EIFFEL : Merci DIEGO et CAROLYN!

Remerciements : MARGAUX CHARMEL – PIAS FRANCE
Photos : CAROLYN
Gros bisous : ROSE du bar LE NANSOUTY à Bordeaux