INTERVIEW MANUSCRITE #61 – PATRICK WATSON @ DIEGO ON THE ROCKS
INTERVIEW DE PATRICK WATSON PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS
Né en Californie, Patrick Watson est un auteur-compositeur Canadien à l’accent chantant et au regard charmeur. Même si le groupe porte son nom, 4 musiciens composent l’entité musicale qui a publié son 7ème album baptisé « Wave » en octobre 2019. Patrick a accepté de répondre aux questions de Diego pour Musiques En Live. Les photographies originales sont de Carolyn Caro.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Hier, concert complet à l’Olympia de Paris. Ça c’est bien passé ?
PATRICK WATSON : Oui super. Un moment magique pour nous. C’était notre premier concert à l’Olympia malgré nos nombreuses tournées. Habituellement nous passons à La Cigale. C’est marrant car l’Olympia n’est pas la salle la plus jolie du monde mais le son est extraordinaire.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Je crois que Le Trianon est considéré comme la plus belle salle Parisienne!
PATRICK WATSON : Oui c’est vrai, on y a déjà joué aussi!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : D’ailleurs c’est facile pour un Canadien de trouver son public en France ?
PATRICK WATSON : J’ai des racines Françaises dans mes compositions et ma forme de mélancolie plait plus aux Français qu’aux Anglais! Nos tournées nous amènent à rencontrer tous types de public dans des salles plus ou moins grandes. C’est difficile de répondre à ta question en l’expliquant car je n’ai pas eu de problème à trouver mon public et à m’intégrer. Je parle de mon expérience qui n’est pas valable pour tous les groupes Québécois. Evidemment, il faut que la musique touche les gens, c’est primordial. Le fait de parler la même langue aide beaucoup.
J’ai souvenir d’avoir été surpris lors de mes premiers concerts en France car le public est très attentif, notamment lors des solos.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Tu pourrais enregistrer un album « en Français » un jour ?
PATRICK WATSON : Oui, j’avais commencé avant notre dernier album baptisé « Wave » sorti l’an passé. Le souci c’est le texte. Dans la langue Française, il y a beaucoup de mots pour exprimer les émotions, les sentiments. En Anglais il y en a moins. Une chanson Française bien écrite dégage quelque chose instantanément. Je n’ai pas nécessairement cette expertise.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Le dictionnaire Français parait plus épais que son homologue Anglais!
PATRICK WATSON : Oui et ce n’est pas évident de trouver le terme juste et approprié. Pour répondre à ta question, j’ai déjà publié des chansons en Français dans mes albums. Le prochain disque s’appellera « Bleu-Nuit » en rapport avec une émission qui diffusait des films érotiques dans les années 80/90 au Québec. C’était une façon de découvrir la sensualité le samedi soir lorsque nous étions jeunes.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Nous avions le même type de programme en France sur Canal + et M6.
PATRICK WATSON : Je voulais faire un album inspiré par cette innocence. On se rappelle tous des programmes de l’époque lorsque nous étions enfants! « Wave » était un album très personnel, « Bleu-Nuit » sera différent car j’aime le changement. Le R&B est très sensuel.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Sur « Wave » on a le sentiment que tu murmures tes textes sur une musique planante. Une invitation au voyage ?
PATRICK WATSON : Lorsque j’ai fini l’album précédent, « Love Songs For Robots », j’ai beaucoup réfléchi car ce disque n’a pas eu le succès escompté. Cet album étant trop abstrait, j’ai opté pour l’option « directe » concernant « Wave ». Plus simple dans sa composition, j’ai écouté des titres comme « Jealous Guy » de John Lennon et m’en suis inspiré. Je voulais un album plus poétique.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Et intime ?
PATRICK WATSON : Carrément! Tu poses les choses sur la table et tu mets « à plat ».
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Tu t’inspires de ton vécu ? « Broken » par exemple ?
PATRICK WATSON : Tu ne peux pas écrire un titre comme « Broken » sans avoir un minimum de vécu, d’histoires personnelles. Je suis rentré chez moi à l’issue d’une tournée et la maison était vide… un moment particulier dans lequel ma vie avait changé… les marionnettes qui sont dans la vidéo de « Broken » illustrent ce côté « pantin », nous subissons certaines choses sans le vouloir.
Autre exemple sur la chanson « Melody Noir », j’ai travaillé ma poésie avec les titres de Léonard Cohen. Je te conseille d’écouter « Tonada De Luna » de Simon Diaz, un chanteur Vénézuélien qui a une voix incroyable. Il a une façon toute personnelle de « remplir » les trous musicaux avec son chant.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Sur « Strange Rain », on flirte avec la mélancolie ?
PATRICK WATSON : Son histoire est bizarre. Je me lève toutes les nuits pour composer. Cette fois, je me sentais bien comme jamais! Vers 4 heures du matin, mon cerveau s’est « allumé », je me suis assis au piano et je me suis laissé aller. C’est mon titre préféré du dernier album. Effectivement c’est probablement l’instant le plus mélancolique du disque, peut-être aussi le meilleur. « Strange Rain » est triste.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Cette technique de composition a pour but de se motiver pour aller de l’avant après un échec ?
PATRICK WATSON : Non. Tu sais j’ai toujours joué du piano en pleine nuit et cela ne reflète pas nécessairement la recherche d’un réconfort, d’une motivation.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Un disque très humide entre « Here Comes The River » et « Wave » ?
PATRICK WATSON : Ce sont des titres tristes. Tout l’album n’est pas de ce niveau. Il faut rechercher l’optimisme dans les autres titres et dans le rythme. J’ai souvenir d’avoir rencontré un gars qui était dans la même situation que moi, en pleine séparation familiale. Il avait les cheveux ébouriffés et m’a dit : « Tu verras, ça dure deux ou trois ans et après ça ira mieux ». Il avait raison! Y’a rien d’autre à faire. Ces chansons représentent l’eau qui « coule sous les ponts », comme le temps.
https://www.youtube.com/watch?v=repGqHwv7HY
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Le clip où tu es seul au piano sur un toit a été tourné dans quel endroit ?
PATRICK WATSON : Toits, montagnes et métro, nous avons filmé le clip à Montréal.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : L’idée de la marionnette pour le clip de « Dream For Dreamings » ?
PATRICK WATSON : Comme je te disais tout à l’heure, en végétant sur mon divan j’avais l’impression que ma vie m’échappait. D’où l’idée d’une marionnette, un pantin qui subit. L’émotion est totalement différente si tu regardes une marionnette ou un humain même si l’expression des protagonistes est similaire.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Tu écris toujours au piano ?
PATRICK WATSON : Non, « Mélody Noir » est née à la basse. Tous les membres du groupe apportent leurs idées et on les travaille ensemble.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Connais-tu le groupe Français Aaron ? Je trouve que ta voix se rapproche de celle de Simon Buret, le chanteur.
PATRICK WATSON : Non pas du tout. J’écouterai avec intérêt!
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Si je te dis que ton univers musical côtoie ceux d’Arcade Fire et Radiohead, qu’en penses-tu ?
PATRICK WATSON : J’ai énormément écouté Radiohead. Je n’ai pas la prétention d’être comparé à eux qui maitrisent totalement la musique sous toutes ses formes. Acoustique, électrique et électronique, Radiohead est un exemple qui se renouvelle à chaque album.
Arcade Fire c’est réellement un autre style musical. Ce groupe me fait penser à Godspeed You! Black Emperor qui est du post-rock de Montréal. Leur chanteur est extraordinaire. Il est toujours difficile de parler d’un groupe originaire de la même ville que toi! Arcade Fire est un groupe très riche musicalement.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Tu es fan de série TV ?
PATRICK WATSON : Oui, la meilleure série actuelle est Fleabag. L’histoire d’une Londonienne qui tient un bar suite au décès de son amie. C’est une comédie écrite par Phoebe Waller Bridge qui joue le personnage principal. Géniale! Sinon j’ai suivi aussi Mindhunters et Killing Eve qui sont des séries très réussies. Après on a pas nécessairement beaucoup de temps pour regarder les séries.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Dernière question, tu avais tourné avec James Brown à tes débuts. Quels souvenirs conserves-tu ?
PATRICK WATSON : J’ai fait ses premières parties sur toute une tournée en Europe et c’était mes premiers concerts. J’avais 24 ans, inconnu et il venait me voir avant les shows. Protecteur et généreux. Il priait avant ses concerts à 69 ans. Ça a été un privilège de connaitre et côtoyer une telle légende.
DIEGO*ON*THE*ROCKS : Merci Patrick, bonne tournée et à bientôt.
PATRICK WATSON : Merci Diego.
Photos : Carolyn Caro
Remerciements : Jennifer Gunther de dominorecordco.com
Relecture : Jacky G.