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INTERVIEW #196 – KEZIAH JONES @ DIEGO ON THE ROCKS

INTERVIEW KEZIAH JONES PAR DIEGO*ON*THE*ROCKS

Keziah Jones est un OVNI dans le paysage musical international. Remarqué dans le métro et aux abords des terrasses Parisiennes à la fin des années 80, le Nigérian va imposer son style blufunk avec un titre imparable publié en 1992 : “Rythm Is Love”. 6 albums plus tard et un best-of, l’artiste collabore avec l’indispensable Philippe Cohen Solal sur “Class Of 89″, un EP reflétant la rencontre improbable entre un guitariste de Lagos passé par Londres et un DJ futur membre de Gotan Project entre Paris et l’Argentine.

Lors d’un récent passage au festival Noctambules de Saint Aubin du Médoc, Keziah a accepté de rencontrer Diego pour Musiques En Live. Les photos sont de la talentueuse Jessica Calvo. Remerciements particuliers à Artedi Productions pour l’accueil. 

DIEGO : Comment a évolué le blufunk depuis vos débuts ?

KEZIAH JONES : Au départ, il s’agissait d’une musique plutôt acoustique qui a pris une variante électrique puis psychédélique. On m’attribue la genèse de ce style en ayant mélangé le funk avec le blues mais je pense que c’est faux. Certaines origines viendraient du Japon, notamment pour le côté électrique, par contre je revendique la caractéristique de mixer cette ambiance musicale avec une façon de chanter qui m’est propre. 

 

DIEGO : Comment est né votre dernier EP sorti en février 2023, “Class Of 89” ?

KEZIAH JONES :Il s’agit d’une collaboration avec mon ami Philippe Cohen Solal, lui-même qui m’a découvert à la fin des années 80. Je jouais devant un café dans les rues de Paris en 1989 et il est venu me voir en me demandant une démo de mes titres. Il est la première personne ayant permis à ma musique de passer de la rue à un studio. Donc “la classe 1989” est la notre, celle de  l’année de notre rencontre. J’étais arrivé sur la capitale un an auparavant et arpentais les rues et stations de métro avec ma guitare, je ne disposais que d’un visa de 3 mois. Par la suite, Philippe a créé le groupe Gotan Project avec le succès que l’on connait.

 

DIEGO : Quels souvenirs conservez-vous de cette période où vous jouiez dans le métro ?

KEZIAH JONES : J’ai passé du bon temps et s’il fallait comparer avec Londres, je trouve que l’accueil était plus sympa en France ! A Londres, il est interdit de jouer de la musique dans le métro. Les gens étaient prévenants et généreux et je conserve un très bon souvenir de cette période qui reflète ma première expérience Française. A cette époque je ne connaissais que Lagos, Londres et Paris. 

Keziah Jones © Jessica Calvo 7851

DIEGO : Et vous êtes retourné dans le métro pour la promotion de l’album “Nigerian Wood” en 2008 !

KEZIAH JONES : Après avoir eu un peu de succès, je trouvais normal de revenir pour jouer gratuitement au même endroit. Dans la rue il n’y a pas de TOP 50 et tu es jaugé à ta juste valeur. La RATP m’a proposé de me produire à plusieurs endroits, notamment à Opera ou nous avons joué en groupe. Sur les autres prestations, j’étais seul. 

 

DIEGO : Je vous sais fan de Prince et des Stranglers. Que représentent-ils musicalement ?

KEZIAH JONES : Beaucoup de choses ! Prince m’a beaucoup aidé à m’épanouir musicalement. Il savait mélanger les musiques noires, funks, rocks, new wave avec une classe unique. Tous les jeunes guitaristes veulent ressembler à Prince. Concernant les Stranglers, tous mes professeurs lorsque j’étais jeune étaient fans. A la fin des années 70, ils ont produit de grands albums et classiques de la musique Anglo-Saxonnes. D’ailleurs, j’ai sorti un EP de reprises en 2017 dans lequel je revisite “Joy In Répétition” de Prince dont l’original date de 1990 et “Golden Brown” des Stranglers de 1981. C’est une tradition de reprendre la musique pop en Angleterre et cet EP contient également une version de “Trouble Sleep Yanga Wake Am” de Fela Kuti.

DIEGO : Votre version de “Golden Brown” est déroutante ! Prochainement, pourriez-vous publier d’autres reprises de vos influences ?

KEZIAH JONES : Oui nous y pensons. Pourquoi ne pas sortir nos versions de standards Anglais, de la musique 2 Tone et New Wave et des années pop-rock des années 70 ? C’est un projet qui verra le jour. 

 

DIEGO : Comment considérez-vous votre rapport avec le public Français ?

KEZIAH JONES : L’amitié ! C’est le premier endroit qui m’a donné ma chance musicale et j’aime jouer régulièrement en France. Tous les pays ont un public différent et les Français sont curieux, ils aiment sortir et profiter des musiciens dans une ambiance festive. La liberté est une notion très importante chez vous ! 

 

DIEGO : Vous avez joué en premier partie des Rolling Stones à Hyde Park en 2013 devant 65 000 personnes. Quel souvenir en gardez-vous ?

KEZIAH JONES : Incroyable, il y avait un monde de fou. C’était énorme et très cool, ma famille et mes amis Anglais étaient présents. C’est le plus gros endroit où je me suis produit à ce jour et l’accueil fut très sympathique. J’avais déjà croisé les Stones à Munich en Allemagne 5 ans plus tôt. 

Keziah Jones © Jessica Calvo 7887

DIEGO : Vous deviez créer un festival Paris-Lagos. Qu’en est-il ?

KEZIAH JONES : Actuellement il y a toute une nouvelle génération de musiciens qui émerge à Lagos, je rappelle qu’il y a plus de 200 millions d’habitants au Nigéria ! Je voulais connecter Lagos avec le reste du monde pour relier mon pays avec la France mais aussi New York, l’idée était cool. Il s’agissait d’un projet qui ressemblait à un rêve pour créer une alliance mais des groupes comme Wizkid et Burna Boy qui a obtenu un Grammy Award l’an dernier n’ont plus besoin de moi pour devenir célèbres. Par conséquent mon projet de festival promotionnel devient inutile.

 

DIEGO : Certaines collaborations sont envisageables dans l’avenir ?

KEZIAH JONES : Je rêverais de jouer avec Stevie Wonder… j’ai interprété son mythique album “Songs In The Key Of Life” à Lagos il y a 4 mois. C’est probablement l’artiste le plus accompli. 

 

DIEGO : Votre prochain album studio est-il prévu ?

KEZIAH JONES : Beaucoup de choses sont dans les tuyaux car j’ai plusieurs projets en même temps : Un disque de blufunk sous le nom Keziah Jones, un autre de guitare expérimentale et un dernier de poésie. Dans tous les cas, le premier projet sera mon album personnel pour 2024. 

 

DIEGO : Avez-vous un rituel avant d’entrer en scène ?

KEZIAH JONES : Simplement rester seul. J’aime la quiétude. 

DIEGO : Même pas quelques verres de whisky ? (rires) 

KEZIAH JONES : Plutôt après ! (rires)

Keziah Jones © Jessica Calvo 7894

DIEGO : Quels sont vos meilleurs concerts vécus en tant que spectateur ?

KEZIAH JONES : A Paris, le Festival We Love Green en 2017. J’ai adoré le groupe Américain Anderson Park & The Free Nationals. Si je ne dois en garder qu’un, ce serait celui-là ! 

 

 

DIEGO : Merci Keziah et à bientôt pour ce nouvel album tant attendu ! 

KEZIAH JONES : Merci. 

  • Remerciements : Delphine & Vincent / ARTEDI PROD
  • Photos : Jessica Calvo Photos
  • Relecture