INTERVIEW #217 – MASS HYSTERIA @ DIEGO ON THE ROCKS
INTERVIEW 217 : MASS HYSTERIA
MASS HYSTERIA est le fleuron de la scène métal Française. Depuis 1993, la bande à Mouss a sorti 11 albums originaux, quelques live et donné des centaines de concerts dans de nombreux pays.
En 2023, ils publient « Tenace 1 et 2 » à quelques mois d’écart puis entament une tournée hexagonale. Pour Musiques En Live, Diego a rencontré le guitariste Yann Hertaux et le chanteur Mouss Kelaï au Krakatoa de Mérignac. Les photos sont de la talentueuse Jessica Calvo.
Diego : « Qui respecte ses opinions, décisions avec fermeté », telle est la définition du mot « tenace » titre de votre dernier album séparé en deux volumes. Est-ce également une bonne définition de Mass Hysteria ?
Mouss : Je pense que c’est complètement dans notre philosophie avec certains autres leitmotivs. C’est une des raisons pour lesquelles nous chantons et nous essayons de nous l’appliquer dans la vie. Par exemple, Yann ici présent est un ami qui va au bout de ses choix et il m’aide à me conforter dans les textes que j’écris et ce que je chante.
Diego : Effectivement on voit que Yann qui pratique la musculation et est coach sportif s’applique une rigueur d’hygiène quotidienne. Tu as toujours fait de la muscu pour arriver à un tel résultat ?
Yann : J’ai commencé à 16 ans.
Mouss : C’est dans son ADN.
Diego : Une belle rigueur sportive ! Pourquoi avoir sorti 2 EP en 6 mois courant 2023 et pas un unique album plus conséquent ?
Yann : Les gens n’écoutent plus un album de 14 titres en entier. Nous n’avions pas envie d’enregistrer les chansons pour rien et afin que les auditeurs prennent le temps nécessaire, nous avons opté pour une sortie en deux temps de 7 titres sous la forme « Tenace 1 » et « Tenace 2 ». La consommation musicale a changé même si lorsqu’on achète beaucoup de disques comme moi, on va régulièrement sur Spotify pour écouter les premiers morceaux d’un nouvel album. Nous étions en studio et avons trouvé cette stratégie pour intéresser l’auditeur.
Diego : Les deux volumes de « Tenace » ont été enregistrés simultanément ?
Mouss : Oui. L’ordre et les choix des volumes 1 et 2 n’ont été faits qu’à l’issue des sessions d’enregistrement. Dans l’idée, notre 10ème album devait contenir 10 morceaux puis nous en avions 14 sans sentir de « déchets » particuliers dans la qualité des chansons. La nouvelle génération sort des EP où un morceau par-ci par-là mais plus d’album.
Yann : Dans la musique urbaine comme le hip-hop cela fait très longtemps qu’ils agissent ainsi.
Diego : Et cela n’empêche pas de se produire en public !
Mouss : C’est clair, ils tournent ! Un artiste rencontré par hasard (dont j’ai oublié le nom) a réussi à remplir un Olympia sans maison de disques et simplement en publiant sur le net.
Concernant Mass Hysteria et « Tenace 1 / 2 », la maison de disques était enchantée car il y avait deux sorties en peu de temps alors que nous n’agissions pas du tout ainsi dans un but commercial.
Diego : D’ailleurs concernant ces deux disques, je les trouve plus aérien musicalement que les précédents. Le chant me semble ressortir plus qu’à l’accoutumée ?
Mouss : C’est pas faux.
Yann : Nous avons travaillé avec un nouvel intervenant aux machines qui sont un peu plus présentes. Il est possible que cela laisse plus de place à la voix.
Mouss : Depuis 3 ou 4 disques, nous laissions volontairement un morceau long final qui débouchait sur un grand break. Ce style se retrouve dans nos dernières compositions et les machines prennent plus de place sans empêcher la présence des guitares. Mais sur l’idée générale, je suis d’accord avec toi.
En fait, cet album est un mélange de toutes nos productions depuis 30 ans sans avoir cherché à le faire.
Diego : C’est un best-of composé de nouvelles chansons ! (rires)
Mouss : Exactement !
Diego : Compte tenu de la médiocrité de la classe politique actuelle, est-ce que « sauver sa peau » n’est pas l’unique issue ? (Nda : extrait de la chanson « L’Invasion Des Pôles »)
Yann : Effectivement ! Mouss est fan de ces questions et je vais être direct. J’ai vraiment envie de faire abstraction de toute cette classe politique qui ne m’intéresse pas et je sauve ma peau en faisant des choses à mon niveau, sans leur aide. Mon père aimait la politique et la famille s’engueulait régulièrement sur certains sujets qui sont restés stériles.
Mouss : C’est dans l’Adn des Français d’être râleurs. Actuellement et à raison, sauver sa peau n’est probablement pas l’unique issue mais c’est une option. Certains sont intégrés socialement, ont la carte du parti, un bon boulot et ils croient en la politique. Notre regard que j’espère aiguisé laisse apparaitre un foutage de gueule de la classe dirigeante envers la population.
En 2024, l’inflation est galopante, les agriculteurs gagnent 900 balles par mois pour bosser 15 heures par jour et nos sénateurs et députés s’augmentent de 300 et 700 euros par mois ! Au même moment ! Comment ne pas être écoeuré ? Ils sont hors-sol.
Yann : C’est une élite de gens qui pour la plupart ont fait des études mais ils s’en battent les c…..!
Diego : Comme disait Coluche, les riches sont plus riches et les pauvres plus pauvres, je ne vois pas en quoi c’est la crise !
Mouss : Bob Marley aussi ! Et sauver sa peau c’est pour être mieux et faire abstraction de ce qui nous emmerde. Et celui qui veut changer les choses sera mieux armé s’il est sauf ! Si ta vie c’est la merde, c’est pas possible, pense d’abord à toi !
Diego : La chanson « L’Air Bien » est un moment fort de « Tenace » ! Je cite : « A genoux dans l’étau, soyons les loups pas les agneaux ! »
Mouss : Ne te laisse pas dicter ton comportement ni ta façon de penser !
Yann : Il y a un morceau de Mickey 3D qui s’appelle « Les Gens Raisonnables » sorti en 2002. Les paroles ont le même sens que « L’Air Bien ». Si jamais tu restes trop raisonnable en suivant ce que l’on te dit de faire, tu deviens un mouton. « Soyons les loups pas les agneaux » veut dire sortir d’un carcan pour diriger sa vie.
Mouss : Sans être une scission entre les gens ! Tu peux respecter l’avis des autres en exprimant le tien. Que l’on soit agneau ou loup, le principe de base est de ne pas faire chier le peuple.
Diego : D’ailleurs Mouss, il me semble avoir lu que tu te considérais comme un « pessimiste-actif » !
Mouss : C’est vrai. Tu peux dresser un tableau noir sans tomber dans le nihilisme. C’est la merde mais je pense que cela va aller mieux même si une action isolée sera insuffisante et il faut privilégier le collectif.
Yann : Pour faire le parallèle avec notre musique, à la sortie de nos concerts les gens ont la banane ! Leurs sourires valent tous les remerciements et toutes les actions militantes.
Diego : C’est la plus belle récompense faite à un artiste.
Mouss : Souvent nous allons voir le public au merchandising après les shows. Certains restent émus rien que par notre présence et les deux heures de concert qu’ils viennent de passer deviennent une pause dans leurs vies parfois difficiles.
Diego : La musique est un bon moyen de résistance. Une guitare agressive, un chant enragé et quelques machines !
Mouss : Exactement !
Yann : C’est ça !
Mouss : Cela reste notre façon d’exprimer cette « positivité ». Nous parlons à travers le rock et le métal mais d’autres artistes le font aussi bien dans leurs styles respectifs. Cela pourrait être surprenant mais Brel et Brassens sont au dessus de tout pour moi !
Diego : D’ailleurs comment est venue l’idée de mixer Mass Hysteria avec Fréhel sur « Le Grand Réveil » ?
Yann : Contrairement aux idées reçues, Mouss et moi sommes fans de chanson Française comme Renaud, Piaf ou Fréhel. L’idée date de l’album précédent et c’est en réécoutant Eminem en duo avec Dido sur « Stan » que le mélange des deux univers m’est apparu. J’en ai parlé à notre producteur Fred en lui amenant le passage de Fréhel voulu et j’ai ajouté le riff de guitare que tu entends sur le mixage final en studio. Le tout a pris 15 minutes.
Diego : Si vous deviez jouer à la mi-temps du Superbowl 2024 durant 12 minutes devant 100 000 personnes, quels seraient les 3 titres choisis ? « Furia », « Plus Que Du Métal » et « Nerf De Boeuf » ?
Yann & Mouss : Ah oui parfait ! En plus ça relate notre histoire de 1999 à 2018. Très bon choix.
Diego : Avez-vous hésité à écrire une chanson comme « L’Enfer Des Dieux » ?
Yann : L’hésitation vient du fait que l’instrumental était fini, je voulais un texte fort et Mouss n’avait pas nécessairement d’idée de départ.
Mouss : J’avais un texte qui datait de 2014 mais je ne voulais plus parler de terrorisme. Nous étions sur la fin d’une session en studio et je suis revenu sur « L’Enfer des Dieux » avec un texte engagé sorti dans l’album « Matière Noire » en 2015. Fred et Yann m’ont poussé dans mes retranchements alors que nous avions assez de titres. Le sujet est délicat mais nous sommes contents du résultat.
Diego : Superbe titre en tous les cas ! Avez-vous un rituel avant d’entrer sur scène ?
Yann : Avant nous buvions un verre de whisky mais j’ai arrêté l’alcool !
Mouss : On se tape dans la main et on se défonce sur scène !
Diego : Vous jouez votre vie tous les soirs et cela se sent bien. Pour finir, quels sont vos meilleurs concerts vécus en tant que spectateurs ?
Mouss : Le premier concert de Slipknot à l’Elysée Montmartre en 1999, un truc de malade dans une salle pleine à craquer. Ils jouaient sur Canal + et étaient à la bourre d’une heure… le public devenait fou. Un show monstrueux. Hors métal, Arthur H aux Francofolies de Montréal, la reformation de The Police au stade de France en 2007 par nostalgie.
Yann : Y’en a plein, celui de Slipknot j’y étais aussi ! Sinon, Slayer au « Clash Of The Titans » en 1990 et Justin Timberlake à la Cigale de Paris en 2006
Diego : Nostalgie quand tu nous tiens ! Merci les gars, longue vie au métal et à Mass Hysteria !
Mouss & Yann : Merci pour l’interview et les photos.
- Relecture : Jacky G.
- Photos : Jessica Calvo Photographe
- Remerciements : Gabriel du Krakatoa